Le second roman d'Arthur Cahn, publié aux éditions Christian Bourgois, est une entaille violente et à vif sur la perte, la résilience et l’homophobie. Avant de vous installer pour commencer ce livre, munissez-vous d’un stock conséquent de mouchoirs, car cette histoire ne vous laissera pas insensible. Paul, un musicien, et Fabien, son compagnon, vivent un bonheur doux avec leur fils adoptif, Octave. Mais un matin, tout bascule : Octave est retrouvé sans vie, victime d’un tragique accident domestique. Alors que Paul tente de survivre à l’insurmontable, son deuil intime est brutalement exposé. Une figure politique détourne le drame pour alimenter un discours de haine contre l’homoparentalité, plongeant Paul et son couple dans une détresse plus profonde encore. « Comment se console‐t‐on ? Est‐ce qu’il existe un lieu pour faire la paix avec l’absence, un lac où déposer son tourment ? ».
À travers le prisme de la paternité, Cahn tisse un récit qui interroge notre rapport à l’existence, à la résilience. La dureté et la brutalité de la perte de Octave, nous plonge dans un ouragan de remise de questions, d’incompréhension, de peur… Cet ouvrage est un cahier de deuil, celui qui laisse libre court aux ressentis à l’expression d’une fracture. Celle d’un couple fragmenté, déchiré qui est en proie aux tourments de l’absence et d’un déferlement de haine de tous ceux qui d’un seul coup les jugent. Mais eux dans le silence absurde dans lequel le départ d’Octave les a fait glisser, les emmure dans un torrent de pourquoi la douce joie qui faisait d’eux une famille heureuse s’est d’un seul coup éteint. Comment se relever ? Comment faire face ? Ce livre uppercut met des mots sur une situation que l’on ne voudrait jamais vivre. De leur souffrance naît un texte poignant, déstabilisant, fragile et puissant. Arthur Cahn parvient à capturer l'essence même de l'amour et du souvenir. Le traitement du sujet se distingue par sa sensibilité empreinte d’un amour intarissable.
La puissance de cette fiction est déstabilisante tant elle semble réelle. Dans l’injustice d’un tel évènement, le bonheur du passé semble faussé. Le deuil est à appréhender, les deux papas doivent conjuguer avec.
Et pourtant la vie doit se poursuivre, coûte que coûte. Cri de douleur, et cri d’amour, hurlement de haine et hurlement d’espoir malgré tout, Arthur Cahn fait de sa plume délicate et douce, le terrain d’un moment de grâce.
La lecture d’une Berceuse pour Octave et Paul vous happera d’une traite et vous laissera sur un sentiment désemparent et plein d’espérance. Éprouvant mais sublime.
Berceuse pour Octave et Paul, de Arthur Cahn, Editions Christian Bourgois, 256 p., 19€