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Les Jeux Olympiques les plus LGBT de l’histoire ?

Xavier Héraud

Nombre d’athlètes LGBT record, cérémonie d’ouverture ultra-inclusive… Les Jeux Olympiques de Paris 2024 auront été les Jeux de l’ouverture, avec parfois le revers de la médaille.

Les Jeux Olympiques de Paris, qui se sont achevés le 11 août, ont-ils tenu leur promesse en matière d’accueil et de représentation des personnes LGBT? Inutile de faire durer le suspense : la réponse est un grand OUI. Pourtant, les Jeux ont commencé avec un doute, au moment où les athlètes sont arrivés au village olympique, en Seine Saint-Denis. En essayant de se connecter à proximité du quartier qui abritait les sportif.ves, des gays se sont aperçus que Grindr n’y était pas accessible. Mesure homophobe? Pas vraiment. Après vérification, les athlètes pouvaient utiliser l’application, mais n’étaient pas visibles lorsqu’ils étaient au village. Une mesure prise pour éviter les outings, a confirmé l’entreprise dans un communiqué : « si un athlète n’a pas publiquement dévoilé son homosexualité ou vient d’un pays où être LGBTQ+ est dangereux ou illégal, utiliser Grindr peut le mettre en danger ».

Extraordinaire cérémonie d’ouverture

Et puis il y a eu l’extraordinaire cérémonie d’ouverture. Thomas Jolly et son équipe l’ont conçue comme une ode à la France plurielle, diverse et vivante, loin des discours nauséabonds qu’on entend à longueur de journée dans les médias Bolloré (et la plupart des autres). Et ce n’est pas la pluie battante qui tombait sur Paris ce soir-là qui a pu altérer le message. De Lady Gaga, qui reprend le Mon truc en plumes de Zizi Jeanmaire, à Céline Dion qui sublime L’hymne à l’amour de Piaf depuis la Tour Eiffel, en passant par Aya Nakamura en duo avec la Garde Républicaine devant l’Académie Française et Juliette Armanet qui interprète Imagine sur la Seine, les icônes LGBT-friendly ont eu part belle lors de cette cérémonie. Mais la séquence qui a fait le plus parler est sans conteste la désormais célèbre séquence mode, qui reprenait un tableau intitulé Le Festin des dieux, de Jan van Bijlert. Avec au centre la DJ lesbienne Barbara Butch, accompagnée des drag-queens vues dans Drag Race France Nicky Doll, Paloma et Piche, de la vogueuse Giselle Revlon, du danseur étoile Germain Louvet et de beaucoup d’autres. Et clou du spectacle : Philippe Katerine en Dionysos. Un tableau censé représenter la diversité de la France que beaucoup de spectateurs ont confondu avec La Cène de Léonard de Vinci, qui représente le dernier repas du Christ. Et qui a donc « choqué » l’extrême-droite. La conférence des évêques y est allée de sa condamnation, la fachosphère des réseaux sociaux s’est déchaînée… Derrière les arguments vaseux d’un faux blasphème vis à vis des catholiques (cocasse pour un tableau du XVème siècle peint par un artiste qui aimait les hommes), on devinait sans peine l’homophobie et la transphobie. A tel point que Barbara Butch, Nicky Doll, ou même Thomas Jolly ont porté plainte pour cyberharcèlement et menaces de mort.

Nombre record d’athlètes LGBT+

Pour les Jeux eux-mêmes on a dénombré un record de 199 athlètes ouvertement LGBT. Un chiffre en augmentation, puisque le site américain Outsports, qui traite du sport chez les personnes LGBT, en avait compté 144 lors des Jeux précédents, à Tokyo et 53 lors des Jeux de Rio en 2016. Et nous ne sommes pas venu.es faire de la figuration. Toujours selon Outsports.com, la « team LGBT+ » a remporté 16 médailles d’or, 13 d’argent et 14 de bronze. En France, la judokate Amandine Buchard est la seule médaillée française lesbienne. Elle a obtenu le bronze en individuel et l’or en équipe mixte. La boxeuse Cindy Ngamba, née au Cameroun, a dû fuir son pays en raison de son homosexualité. Elle représentait l’équipe des réfugiés et a obtenu le bronze en boxe, la seule médaillé de cette équipe particulière.On retiendra en outre l’image de Tom Daley qui envoie un baiser à son mari Dustin Lance Black et ses enfants en tribune après avoir obtenu la médaille d’argent en plongeon à 10 mètres en duo avec Noah Williams. Sa cinquième médaille olympique (Bronze à Rio et Londres et Tokyo, où il a également gagné une médaille d’or). Le plongeur de 30 ans a annoncé à l’issue des Jeux qu’il arrêtait sa carrière.  Comment ensuite ne pas s’enthousiasmer du baiser de la judokate italienne Alice Bellandi  à sa compagne, une autre judokate, mais d’Afrique du Sud, devant la première ministre d’extrême droite, qui n’a eu de cesse de s’en prendre aux familles arc en ciel depuis qu’elle est au pouvoir (cela n’a pas empêché la sportive de poser tout sourire à côté de la femme politique ensuite) ? Il y aura eu aussi la polémique dégueulasse autour de la boxeuse algérienne Imane Khelif. La fachosphère, encouragée par la transphobe en chef JK Rowling, autrice des Harry Potter, l’a accusée d’être trans, en raison d’un taux de testostérone inhabituel chez elle. La boxeuse a répondu de la plus belle des manières en gagnant la médaille d’or. On remarquera au passage avec cette polémique, qui rappelle celle autour de l’athlète sud-africaine Caster Semenya lors des Jeux de Rio en 2016, que les hormones des hommes ne sont jamais remises en question, elles. Si on ajoute à tout ça les sessions de voguing, animées par Father Vinii Revlon, au Parc des champions au Trocadéro, la Pride House de Rosa Bonheur sur Seine et la présence d’Angèle, sur le titre Nightcall de Kavinsky, à une cérémonie de clôture bien plus hétéro que l’ouverture, on obtient sans conteste les J.O. les plus LGBT-friendly de l’Histoire. Rendez-vous dans quatre ans pour voir si les Jeux de Los Angeles feront mieux !

 

Les Jeux Paralympiques ne sont pas en reste

Les Jeux Paralympiques de Paris sont aussi les Jeux les plus LGBT de l’histoire. Au total, le site outsports.com a dénombré 44 athlètes LGBT, avec comme pour les Jeux Olympiques une majorité écrasante de femmes. Il y en avait 36 lors des Jeux de Tokyo.A l’image des Jeux Olympiques, la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques, qui s’est déroulée sur les Champs Elysées et à la Concorde à Paris a donné le ton, avec les prestations de Chris et de Lucky Love, chanteur gay né sans bras gauche.Du côté des performances sportives, on retiendra évidemment les médailles d’argent et d’or de la française Marie Patouillet. La cycliste lesbienne dont c’était les derniers Jeux a dédié sa médaille d’argent en 500 mètres contre la montre à sa femme. Cette dernière a ensuite eu droit à un baiser lorsque l’athlète a gagné l’or en poursuite individuelle sur 3 000 mètres. L’autre athlète lesbienne française, Pauline Deroulède, a eu moins de chance en tennis fauteuil. La championne de France a été éliminée dès le premier tour en simple et en double. Déception aussi pour le réunionnais Dimitri Pavadé, qui échoue au pied du podium en saut en longueur. Mais joie de le voir faire son coming out ensuite sur Instagram dans un message où il dit vouloir s’engager pour la communauté LGBTQIA+. Beaucoup enfin ont regardé aussi la performance de la sprinteuse italienne trans Valentina Petrillo. Celles et ceux (dont une certaine écrivaine populaire) qui pensent que les femmes trans ont un avantage en ont été pour leurs frais : l’italienne n’est pas parvenue à se hisser en finale du 400 mètres. Au total, la « Team LGBT » a remporté 19 médailles (7 d’or, 7 d’argent et 5 de bronze). Pas mal comme ratio !

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