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Les ambiguïtés d'Aurore Bergé sur les questions LGBT

Xavier Héraud

Nommée au ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations en janvier 2024, Aurore Bergé se retrouve régulièrement prise à partie sur les réseaux sociaux pour d’anciennes prises de position problématiques sur les questions LGBT.

Nous sommes à la soirée officielle des 30 ans de SOS homophobie, le 11 avril dernier. Après le discours des co-présidents Joël Deumier et Véronique Godet, Aurore Bergé prend la parole. En préambule de son discours, la ministre se plaint d’être en permanence ramenée à tweet de novembre 2012 contre le mariage pour tous et souhaite réaffirmer son soutien de longue date à l’égalité des droits. De quoi s’agit-il ? En novembre 2012, la militante, alors membre de l’UMP, a 26 ans. Le débat autour du mariage pour tous commence à monter en puissance. Dans un tweet, elle dénonce les propos homophobes d’un des membres de son parti, Nicolas Dhuicq. Un autre élu l’interpelle alors : « dans un précédent tweet vous vous disiez contre l'adoption par les homosexuels. Qu'en est il du mariage ? », la questionne-t-il. Elle fait cette réponse : « je suis contre le mariage et l'adoption par les couples homos et contre la bêtise crasse et l'homophobie. » Or, Aurore Bergé affirme ensuite avoir manifesté en faveur du mariage pour tous, le 27 janvier 2013, à peine deux mois après. Un article du Journal du dimanche atteste en effet de sa présence ce jour-là. « Si elle bat le pavé ce dimanche, c’est parce qu’elle dit constater « une vraie libération de la parole homophobe », écrit le journal. Son tweet de novembre ressort le 23 avril dernier, jour anniversaire du dernier vote à l’Assemblée pour l’ouverture du mariage. Elle se félicite : « je suis fière d'avoir été de ceux qui avaient marché pour le #mariagepourtous ! Fière de m'être engagée pour cette liberté. »Le compte Le coin des LGBT+ lui rappelle son tweet de novembre. Elle y répond : « vous résumez mon engagement à un tweet, daté de 2012 dont la première vocation était de dénoncer l'homophobie. La vérité est différente. Elle est documentée. En 1 minute sur internet vous retrouvez tribune, interview, article de presse qui expliquent mon engagement EN FAVEUR du mariage pour tous dès janvier 2013. A un moment où à droite, nous étions si peu nombreux à nous engager. A un moment où je n'avais rien à y gagner mais tout à y perdre puisqu'on me menaçait d'exclusion, moi qui était candidate aux municipales. Je l'ai fait par conviction, sincère. J'ai écouté les auditions à l'Assemblée nationale. J'ai écouté mes proches. Et j'ai vite compris l'importance du mariage pour tous, de cette reconnaissance par la République de l'amour, de l'égalité et de fraternité. J'ai donc milité et marché pour le mariage pour tous. Un engagement et une conviction ancrés en moi et qui n’ont pas bougé depuis. » Dont acte.

Rencontre avec les TERFS

Autre sujet, les droits des personnes trans. En novembre 2022, Aurore Bergé, alors présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée reçoit Dora Moutot et Marguerite Stern, militantes transphobes (ou TERF, pour Trans Exclusionary Radical Feminist), qui viennent de commettre l’horrible livre Transmania. La future ministre pose alors tout sourire avec les deux femmes. Et se justifie ensuite sur Twitter : « oui je reçois des militantes des droits des femmes et de leurs libertés », Puis reprenant le vocable TERF : « l’égalité des droits ne passe pas par l’invisibilisation des femmes ». Peu après, elle propose un amendement à la loi de constitutionnalisation de l’IVG qui a été compris comme une exclusion des hommes trans. Pour l’égalité des droits, on a vu mieux. Sur ce point on attend toujours une explication. Joël Deumier a bien tenté d’en obtenir une lors de la soirée des 30 ans de SOS homophobie. A la fin de son discours, il demande à la ministre de se prononcer sur la proposition de loi de la sénatrice Mélanie Vogel, qui permettrait un changement d’état civil libre, gratuit et déjudiciarisé (voir Strobo n°30). Quelques minutes plus tard, la ministre répond, mais à côté. Le gouvernement s’opposera à une autre proposition de loi, celle des sénateurs LR, qui veulent interdire les transitions pour les mineurs, explique-t-elle. Silence sur la proposition de loi Vogel. Et pas un mot cette fois-ci pour remettre en cause le tweet concernant Dora Moutot et Marguerite Stern. Qui lui est pourtant autant reproché que son tweet contre le mariage pour tous, et qui va vraisemblablement continuer à l’être, à juste titre.  Si elle veut que cessent les tweets hostiles à son encontre, la ministre a encore un peu de chemin à faire. Sur la question du mariage pour tous, même si son revirement en peu de temps interpelle, elle a commencé à clarifier les choses. En revanche, pourquoi avoir reçu deux militantes violemment anti-trans et n’avoir jamais condamné leurs propos et leurs agissements ensuite ? Pourquoi s’opposer à une proposition de loi transphobe, mais garder le silence sur une proposition de loi progressiste pour les personnes trans ? Pour l’instant, on est dans le flou le plus complet. Et pour citer la grand-mère de Martine Aubry, « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup. » Un peu gênant pour une ministre justement chargée de lutter contre les discriminations.

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