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Education à la vie affective et sexuelle  : une défaite pour les réacs

Xavier Héraud

Le nouveau programme d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evars) a été publié au Journal Officiel. Retour sur une bataille difficile qui a vu passer plusieurs ministres et une mobilisation tous azimuts des associations réacs.

C’est incontestablement une défaite pour le lobby réactionnaire. Le 29 janvier, le Conseil Supérieur de l’Education (CSE) a voté à l’unanimité une nouvelle mouture des programmes d’Education à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) dans laquelle les questions de genre ont été pleinement réintégrées, après avoir été en partie atténuées pour satisfaire les lobbys d’extrême-droite. 

Des cours obligatoires depuis 2001

Depuis la loi Aubry du 4 juillet 2001, les élèves du CP jusqu’à la terminale doivent bénéficier chaque année de trois heures d’éducation à la vie affective relationnelle et sexuelle. La refonte de ce programme a été lancée en 2022 par  le ministre de l’Education de l’époque, Pap Ndiaye. Une première mouture a été présentée par le CSE, une instance consultative qui regroupe personnels de l’Education Nationale, usagers (parents et élèves) et des représentants des collectivités territoriales, sur laquelle ont ensuite travaillé les ministres de l’Education successives Anne Genetet et Elisabeth Borne.

Depuis des mois, la révision de ce programme mobilise les associations réactionnaires. Des groupes comme le Syndicat de la famille (ex Manif pour tous), Parents en colère, Parents vigilants, Mamans louves, Sos Education. Leurs arguments ont été relayés par les élus de droite, en particulier après la première présentation du programme par le CSE en décembre dernier. Ils s'élèvent particulièrement contre la mention de l’expression et du concept d’ « identité de genre » dans les programmes.

Dans un premier temps, ils ont obtenu en partie gain de cause. Pour tenir compte de leurs revendications, l’actuelle ministre de l’Education Elisabeth Borne a légèrement remanié le programme, en faisant supprimer la notion d’identité de genre avant le lycée, sans toutefois toucher au concept de genre. L’asexualité a été effacée du programme et l’intersexuation qui devait être abordée au dès le CM2 a été repoussée au lycée. Le CSE est largement revenu sur ces modifications. Les syndicats de l’instance ont par ailleurs remis les parents à leur juste place. Dans la mouture présentée devant le CSE le 29 janvier, il était indiqué que l’Evars devait se dérouler « sans se substituer au rôle des parents et des familles des élèves » et que les parents devaient être « informés de la tenue et du contenu des séances obligatoires ».  Les syndicats craignaient qu’une fois prévenus les élèves s’absentent volontairement des cours ou que leur famille les retire de leur établissement pour la journée.  Au final, le programme mentionnera que les parents seront simplement « avertis » par les enseignants en début d’année de « l’orientation annuelle » des cours d’Evars.

Disparition du mot « transphobie » en 3ème

L’avis du CSE est consultatif. Elisabeth Borne avait la possibilité de revenir si elle le souhaite sur ce qui a été voté le 29 janvier. C’est ce qu’elle a fait. La version définitive a été publiée au Journal officiel le 6 février. Soulagement pour les syndicats progressistes et les associations LGBT : le texte voté au CSE n’a été que très légèrement amendé, mais d’une manière lourde de sens : le mot « transphobie » a disparu du programme de 3ème. Lors d’un passage qui évoque les différentes violences fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, l’expression « homophobie et transphobie » a été remplacée par « homophobie et autres ». Selon 20 minutes, le ministère prétend que cette disparition a été motivée par la volonté « d’alléger la rédaction ». Dans un contexte où les personnes trans font l’objet d’une stigmatisation sans précédent de la part de la droite et de l’extrême-droite, l’excuse semble, au mieux, légère.

Moins de 15% des élèves ont eu accès aux cours

Il reste maintenant un défi de taille. Si le programme devrait être appliqué à partir de la rentrée prochaine, il reste à faire en sorte de le diffuser. Car avoir un programme, c’est bien, faire en sorte que tout le monde y ait accès, c’est mieux. Et jusqu’ici, estime le Conseil économique social et environnemental (CESE), moins de 15% des élèves ont eu droit aux cours d’éducation affective et sexuelle en 2024. Pour le syndicat FSU, il faut commencer par former les personnels : « Dès maintenant, une solide formation doit être organisée sur le temps de service, avec notamment des échanges entre pairs et ne pourra se résumer à quelques modules en ligne », peut-on lire dans un communiqué de presse. Il est nécessaire d’engager les moyens suffisants notamment en personnels sociaux et de santé tant pour la mise en œuvre de ces programmes que pour répondre à la libération de la parole qu’ils susciteront immanquablement. Le ministère leur a répondu : des ateliers de formation doivent être organisés dans les académies pour deux à trois professeurs des écoles par circonscription, et un professeur par collège et lycée d’ici septembre. Des formations en ligne seront également disponibles. Il n’y a plus qu’à.

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