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Queer tube : Tom Robinson, Glad to be Gay (1978)

Patrick Thévenin

Sorti en 1978, Glad to be gay est un hymne cinglant contre la répression policière et politique de l’homosexualité. En Angleterre, il est considéré comme un véritable hymne national gay. Retour sur son histoire. 

« Dans les années 60, il n’y avait pas une seule figure publique ouvertement homosexuelle, donc nous n’avions aucun modèle, aucune mention de l’homosexualité », expliquait Tom Robinson au Guardian. « John Lennon chantait You’ve got to hide your love away, en référence à la sexualité de leur manager Brian Epstein, mais le genre avait été changé : If she’s gone, I can’t go on. Puis, dans les années 70, David Bowie est arrivé en déclarant être bisexuel. Il avait toutes ces chansons où l’on pouvait se dire : « Ça parle de moi.» » Adolescent, il est né en 1950, Tom Robinson vit avec angoisse la découverte de son homosexualité. Il finit par s’accepter grâce à son passage dans la troupe de théâtre new-yorkaise Hot Peaches, où il apprend à s’affirmer. Il découvre aussi le punk, notamment les Sex Pistols, qui choquent l’Angleterre avec leurs attaques contre la Reine et leurs appels à l’anarchie. Inspiré par leur énergie et leur colère, il décide en 1975 d’écrire une chanson pour The Campaign for Homosexual Equality (Campagne pour la reconnaissance de l’homosexualité, ndr). 

Ce sera Glad to be gay, dont le titre est inspiré des badges qu’il a apercus lors de manifestations. À l’époque, bien que l’homosexualité masculine ait été partiellement dépénalisée au Royaume-Uni en 1967, de nombreuses restrictions subsistent. Les descentes de police dans les bars gays, la violence homophobe et les articles diffamatoires dans la presse restent courants. Glad To Be Gay n’est pas une simple célébration de l’identité homosexuelle, mais une critique acerbe des discriminations et des préjugés. À travers des paroles mordantes, Robinson dénonce les brutalités policières, la stigmatisation médiatique et l’hypocrisie du gouvernement britannique : «the British police are the best in the world, I don’t believe one of these stories I’ve heard. About them raiding our pubs for no reason at all, Lining the customers up by the wall” (La police britannique est la meilleure du monde, je ne crois pas une seule de ces histoires que j’ai entendues. À propos de ces descentes dans nos pubs sans aucune raison, alignant les clients contre le mur).

À l’origine, la chanson est construite autour du morceau Sara de Bob Dylan, mais Robinson finit par composer une toute nouvelle version à la dernière minute. Il la teste en concert avec son groupe, puis l’enregistre dans une version live rageuse au London Lyceum. Cette interprétation brute et militante, publiée en 1978 sur l’EP Rising free, prend une ampleur inattendue. Malgré son message subversif, le morceau atteint la 18e place des charts britanniques, un exploit pour une chanson dénonçant frontalement l’homophobie institutionnelle. Pourtant, Glad to be gay est largement censurée : la BBC, première radio du pays, refuse de la diffuser dans sa version originale en raison de son caractère controversé. Les paroles, ironiques et acérées, dénoncent les abus policiers contre les homosexuels, régulièrement victimes d’arrestations arbitraires et de violences. D’autres couplets s’attaquent aux tabloïds, qui propagent des représentations caricaturales et méprisantes. Rapidement, Glad to be gay devient un hymne du mouvement LGBTQ+ britannique et international, à une époque où la communauté commence à revendiquer ouvertement ses droits à travers des manifestations et des Prides plus militantes. C’est aussi l’un des premiers titres pop à aborder explicitement l’homosexualité sous un angle politique, ouvrant la voie à des artistes comme Bronski Beat ou les Pet Shop Boys, quelques années plus tard. Quarante ans après sa sortie, si la carrière de Tom Robinson n’a pas vraiment explosé, Glad to be gay demeure un symbole puissant, un manifeste musical et un modèle de contestation contre l’hypocrisie et la discrimination qui frappent toujours les LGBTQ+ aujourd’hui.

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