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Histoires de chiens

Xavier Héraud

Dans un contexte sociétal et politique aussi dur, nous avons voulu commencer l’année avec un peu de douceur, en allant à la rencontre de personnes LGBT qui possèdent des chien.nes. Que leur apporte leur animal ? Est-ce une si grande « contrainte » que ça ? Quelques réponses avec notre galerie de portraits. 

Et si on parlait un peu d’amour? Pas de l’amour traditionnel, pour un.e partenaire amoureux.se, mais de celui qu’on peut avoir pour son animal domestique. Selon la Facco, il y a 75 millions d’animaux de compagnie en France. 60% des français en possèdent un ou plusieurs et 30% ont des chiens. Forcément il y a des personnes LGBT dans le lot. Les chiffres ne disent pas si, comme le veut le cliché, les hommes gays/bis ou trans sont plutôt chiens et si les femmes lesbiennes/bis ou trans sont plutôt chats, mais force est de constater que ce sont plutôt des hommes qui ont répondu à notre appel à témoins (nous étions en contact avec une heureuse propriétaire de chiens mais le rendez-vous n’a pas pu se concrétiser). 

La galerie de portraits que nous vous proposons n’est donc évidemment pas représentative. Ce sont juste cinq exemples de personnes LGBT, ici gays donc, qui possèdent un chien. Cinq histoires de bonheur, d’amour. De deuil aussi. Tous ont établi un parallèle avec le fait d’avoir un enfant, sans non plus confondre animal et bambin. Comme le résume Nicolas : « Ce n'est pas un enfant de substitution, mais ça nous amène quand même à développer des instants qui sont quand même proches de ceux de la filiation. » Et le sujet n’est peut-être pas aussi dérisoire qu’il peut y paraître. A une époque où on parle beaucoup de « solitude gay », il semble important de montrer qu’être seul.e, ou se sentir seul.e, n’est pas une fatalité. 

Elyès et Usher

Si certain.es choisissent entre chat et chien, ce n’est pas le cas d’Elyès : il a les deux. Mais on parle aujourd’hui surtout d’Usher, magnifique dalmatien. Elyès a eu une première chienne quand il était en 6ème. C’était lui qui s’en occupait. Après sa mort, il met trois ans à reprendre un chien. Il hésite entre un malinois et un dalmatien. Il cherche sur le Bon coin et les personnes qui vendent les dalmatiens sont plus réactives. Pour Elyès avoir des animaux de compagnie est une évidence depuis toujours : « Je suis fils unique, du coup, j'ai toujours été seul. Pour m'occuper, je jouais avec les animaux quand j'étais petit. Et avoir un chat, déjà, c'était super. Sauf que ça limite à l'intérieur de chez toi. Alors que du coup, quand tu vis en appartement, tu ne vas pas sortir forcément ton chat. »

Elyès promène son chien à peu près 3h par jour au minimum : « ça fait que je sors tous les jours, donc il n'y a pas de place à rester chez soi tout le temps, et à être triste, à ne pas bouger de chez soi ». Usher lui apporte « une certaine stabilité » : « Je sais que tous les jours je vais sortir faire des balades et il apporte du bonheur aussi parce que finalement je le voir heureux ça me rend heureux. » Un chien de cette taille passe difficilement inaperçu et Elyès doit subir régulièrement les blagues sur les 101 Dalmatiens. « J’éteins mon cerveau à force », soupire-t-il. Usher se montre gentil avec les passants, mais se méfie des gens aux comportements bizarres la nuit, donc « il faut que je sois encore plus à l'affût pour ne pas qu'il saute sur les gens » précise son maître. Lorsqu’il fait des rencontres, Elyès s’assure que la personne aime les chiens et les chats. « Et même comment les mecs interagissent avec mon chien ça fait que ça joue aussi sur les faits si je les aime bien ou pas. »

Franck et Inna

Franck ne voulait pas reprendre un chien. La perte de Simba, qui l’a accompagné pendant 18 ans, avait été trop douloureuse. Mais la vie en a décidé autrement. Il y a quelques mois, lui et son mari ont récupéré Inna, un Cavalier King Charles de 11 ans. « C'était le chien de ma belle-mère qui est partie en maison de retraite. Et comme il était hors de question que ce petit chien aille à la SPA, on a décidé de l’adopter. » D’autant, selon Franck, qu’ « elle n’aurait pas été adoptée, elle était trop âgée. Et elle ne méritait pas ça. J’ai craqué et je suis tombé amoureux. » S’ils ont adopté à deux, c’est surtout Franck qui a développé un lien fort avec elle. Aujourd’hui, Inna lui « apporte de la joie ». « J'ai l'impression d'être un abruti. Quand je la regarde au moindre mouvement je fonds, je lui fais des bisous tout le temps. » Franck travaille de chez lui, quand il ne crée pas de la musique électronique sous le nom de Tracy Turnblad. Donc il est beaucoup à la maison et pour lui Inna, c’est une présence et de l’amour. Les deux sont en quelque sorte fusionnels :  « Quand je m’en vais, elle est en transe, elle pleure. » Son caractère ? « Elle est plutôt docile ». « On l'a sous-estimée parce que vraiment je pensais que c'était un vieux chien qu'on récupérait. Et en fait elle est pleine de pêche, elle est un peu têtue, pour la bouffe c'est insupportable. Mais autrement, elle est assez cool, elle est mignonne et très expressive surtout. »Encore marqué par la perte de son premier chien, il jure qu’Inna sera le dernier. 

 

Nicolas et Buddy

« Seul mon psy ne m’a pas jugé lorsque j’ai annoncé que je voulais un chien », lance Nicolas d’emblée, lorsqu’on commence une balade avec lui et Buddy. Nicolas aime sortir et voyager. Alors quand il annonce à son entourage qu’il souhaite adopter un chien, tout le monde se montre sceptique. Sauf le psy, donc. Le moment est pourtant idéal pour lui. Sa situation professionnelle évolue, il déménage, il a la quarantaine et un peu de temps. Il voit passer l’annonce de quelqu’un dont la femelle chihuahua a eu une portée. Il saute le pas. Et ne le regrette pas une seconde, au risque de décevoir ceux qui l’avaient mis en garde. « ça t’oblige à repenser ton quotidien et tes sorties, mais c’est aussi une bonne manière de se canaliser et de se responsabiliser. Et très vite, ce qui peut apparaître comme des contraintes vu de l'extérieur, pour toi ça n’en est pas. Parce que tu as un lien affectif avec un être vivant. C’est de l’organisation, il faut être honnête. Mais moi ça me fait plaisir de le sortir, parce que je sais que ça lui fait plaisir. »

Buddy, qui a un compte Instagram va avoir un an. Il est hyper sociable, « surtout avec les humains ». « Dès qu'il a l'occasion, il va voir les gens pour réclamer des petites caresses. Et c'est vrai que du coup, comme il est petit et mignon, il attire forcément les regards. On va dire que les interactions sont facilitées. Il est très joueur, très espiègle. Et oui, c'est vraiment une boule d'amour. » Parfois les interactions ne sont pas très respectueuses, mais globalement elles sont plutôt bienveillantes. « On sent qu'il y a un effet, que la vue d'un animal chez des gens crée quand même quelque chose de positif qui favorise un bel échange. C'est presque comme un antidépresseur. » Et désormais, ajoute Nicolas, quand il fera des dates en café ou bar, Buddy l'accompagnera : « Il fait vraiment partie de ma vie. Et c'est justement important que le mec le comprenne ». « Après, conclut-il, je pense que je ne suis pas non plus dans un côté fusionnel. J'arrive quand même à mettre les limites nécessaires pour que chacun soit à sa place. Mais bon, d'une certaine manière, je pense que je le considère un peu comme un fils. » Et avant de terminer la discussion, Nicolas glisse qu’il adorerait participer à un apéro entre papas de chiens. A bons entendeurs!

Gauthier et Youpi

Youpi est une femelle border terrier d’un an et trois mois, c’est le deuxième chien de Gauthier. La mort de son premier chien a été difficile. Mais un an après, le parisien en a repris un. Pourquoi ? « La solitude. Et quelque part, le chien c’est un peu ton garde fou, ça t’empêche de passer tes week-ends à sortir et à faire des « conneries ». Et ça te responsabilise. Tu finis le boulot, tu dois rentrer et t’en occuper. Tu en as plein qui te disent que c'est une contrainte et « moi je suis pas prêt à cette contrainte ». C'est une contrainte quand même raisonnable. » Gauthier a choisi volontairement un « petit format » pour pouvoir emmener son animal partout avec lui, notamment en voyage. Pour lui, Youpi est « un peu son enfant ». « Clairement, je n'ai pas honte de le dire ». Ce qui n’est pas du goût de tout le monde. « Quand j'ai des petites amourettes et tout, et tu vois les mecs qui disent « Tu dors avec ton chien, mais c'est dégueulasse. » Alors ouais, c'est clair, c'est dégueulasse. Mais j'assume. Je ne la vois pas de la journée parce que je ne peux pas aller bosser avec elle. Ce n'est pas pour qu'elle soit éloignée de moi le soir. Franchement, j'assume le fait que je dors en cuiller avec mon chien. » Youpi est hyper sociable. Comme lui. « Je ne sais pas si c’est lié à sa race, ou si c’est par mimétisme », rit-il. Il ajoute : « J'aime bien les chats mais ce n'est pas suffisant pour moi. J'adore cette relation que tu as avec le chien, tu es tout pour lui.  Et tu te dis que si tu n’es pas là pour lui donner à manger, personne ne le fera. Tu es important au moins pour une personne tu vois, pour un être vivant. C'est ça qui fait du bien finalement. »

Leo, Adrien et Perro Pascal 

Adrien (à droite sur la photo) et Leo n’avaient pas prévu d’avoir un chien tout de suite. Ils voulaient attendre d’avoir un appartement plus grand que celui de la petite couronne parisienne où ils vivent actuellement, qui fait 35 m2. En attendant, ils n’auraient pas été contre le fait de garder ceux de leurs amis. Mais ces derniers ont plutôt des chats… Adrien : « En en parlant avec des copains à Noël, finalement ils nous ont dit que c'était pas si important que ça la taille de l'appart. En début d’année, je suis allé sur le site de la SPA, j'ai vu un chien qui m'a obsédé pendant une semaine et du coup j'en parlais à tout le monde. » Une fois arrivés à une SPA des Yvelines, c’est la déception, le chien convoité est déjà réservé. On les dirige alors vers celui qui allait se nommer Perro Pascal [ jeu de mot avec Perro, qui veut dire chien en espagnol et le nom de l’acteur Pedro Pascal ], un peu à l’écart, parce qu’il est malade. Leo aimait les chihuahuas et l'animal s’il n’a pas de race identifiée a visiblement quelque chose de cette race de petits chiens. De plus, par sa taille, il sera plus facile de l’emmener dans les transports. Un détail important puisque Leo, qui est chilien, rentre chez lui parfois, et qu’il préférait pouvoir emmener son chien avec lui. Perro Pascal, qui a 8 ans, n’est arrivé dans leur vie que depuis deux semaines. Mais Leo ressent déjà les effets bénéfiques de sa présence : « J’étais un peu en dépression avant. Ça m'a changé la vie. Ça me donne des horaires, je me lève tôt, je lui donne à manger, je lui ai donné ses médicaments la semaine dernière, il me détestait. » Côté maîtres, une première répartition des rôles se dessine. Leo, qui est à mi-temps, passe forcément un peu plus de temps avec son animal. « Adrien, c'est un peu le père absent », plaisante-t-il. Adrien : « Je ne fais que les trucs drôles. Je passe plus de temps à lui faire des câlins ». Leo : « Toi tu es plus câlin, moi je suis plus discipline, je suis ma mère en fait. »

Photos: Xavier Héraud

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