Après le test “êtes-vous dépendant au chemsex“, la liste des ressources utiles et nécessaires pour se faire aider, la description du phénomène sous ses aspects, autant épidémiologiques, sociétaux que communautaires, et les différentes substances utilisées, nous abordons le chapitre des risques sur la santé liés à la pratique du chemsex.
Le chemsex est source de multiples prises de risques liées autant à la pratique d’une sexualité intense et multiple qu’à l’usage de produits aux effets secondaires indésirables et nombreux. Qu’il s’agisse du risque accru d’infection par les virus du VIH, des hépatites B et C et des autres IST, des lésions potentielles dues à la pratique du fist ou l’usage de sextoys, des risques liés aux méthodes d’administration (notamment en cas d’injection, ou slam, des produits), d’interactions médicamenteuses, de troubles psychologiques et sexuels, d’addiction, d’overdose, d’accidents, et de problèmes de consentement sexuel.
Tous dangers qu’il convient de connaître en cas de pratique du chemsex, pour adopter des comportements, à même de les réduire et de se protéger vous et les autres.
RISQUES DE TRANSMISSIONS DU VIH (sida), du VHC, du VHB (hépatites C et B) ET AUTRES IST (infections sexuellement transmissibles)
En augmentant la désinhibition, en permettant des pratiques souvent plus « hard » et plus longues, qui peuvent durer parfois plusieurs jours, en multipliant le nombre de partenaires, le chemsex expose à des risques accrus d’infections sexuellement transmissibles.
Des facteurs de risques augmentés face aux contaminations par le virus du VIH, de l’hépatite C (VHC), de l’hépatite B et des autres IST (syphilis, chlamydia, gonorrhée).
Le recours au slam, soit l’injection de stupéfiants, augmente le risque d’infection au VIH, VHC et VHB.
Les pratiques sexuelles dites « hard » comme le fist-fucking, les jeux urologiques et scatologiques, peuvent être la source d’infections virales et de pathologies gastro-intestinales (comme celle à Shigella Flexneri).
• Recommandations préventives :
Il est fortement recommandé de se faire vacciner (notamment contre l’hépatite B et le MPox), de se faire dépister pour les IST au moins tous les 3 mois.
Pour les chemsexeurs séronégatifs prendre la PrEP et de ne pas se fier à celle de leurs partenaires.
LES RISQUES LIÉS AUX PRATIQUES SEXUELLES
Le fist-fucking (pratique sexuelle consistant à pénétrer son partenaire avec sa main) ou l’usage de plugs et de sextoys introduits dans l’anus, sont des pratiques fréquemment associés au chemsex et qui comportent des risques. En effet, du fait de la fragilité et de la forte vascularité du rectum, ces pratiques peuvent favoriser lésions et micro-saignements, augmentant de fait les risques d’infections bactériennes, comme virales. Il existe également un risque de perforation intestinale, les produits utilisés diminuant le seuil de douleur, avec des signes d’alertes souvent trop tardifs.
• Recommandations préventives :
Utiliser des gants en latex et un gel approprié pour le fist-fucking. laver, après chaque usage les plugs, godes, et autres sextoys, au savon.
LES RISQUES RELATIFS AUX MODES D’ADMINISTRATION
- Via le slam :
Le slam (injection par voie intraveineuse de substances), lorsqu’il est pratiqué sans respecter les règles strictes d’hygiène (matériel et nécessaire à injection stérile, seringue et aiguilles à usage unique, désinfection de la zone où se pratique l’injection), est une pratique à haut risque concernant la transmission du VIH, du VHC, VHB et des autres IST.
Le slam peut favoriser aussi des complications cutanées, des infections bactériennes (abcès, septicémie, endocardites…) et conduire, plus ou moins rapidement à destruction du réseau veineux. La fréquence élevée, et répétée, du slam, facilitée par le fort craving (le besoin d’en reprendre) des nouvelles drogues de synthèse) augmente encore plus ces risques.
• Recommandations préventives :
Il est nécessaire d’utiliser des aiguilles stériles, et d’en changer pour une neuve, à chaque nouvelle injection. S’il existe des kits d’injection à usage unique, disponibles en pharmacie, en distributeurs et dans les associations de santé communautaires. Il convient de préférer à ces kits d’injection (qui ne contiennent pas assez de matériel) les matériel d’injection disponibles dans les CAARUD en quantités suffisantes.
En cas d’injection, il est conseillé, dans la mesure du possible, de faire appel à des infirmiers ou éducateurs spécialisés dans la réduction des risques de l’injection.
- Via le sniff :
Le sniff (prise de drogues par le nez à l’aide d’une paille) peut entraîner des microlésions, comme des nécroses, de la paroi nasale. Ce qui favorise les infections bactériennes ou virales, et notamment celles par le VHC et le VHB.
• Recommandations préventives :
Toujours utiliser sa propre paille à usage unique, appelées roule ta paille et disponibles dans les CAARUD. Ne surtout pas la partager.
- Via le plug :
Le plug (ou injection par l’anus via une seringue sans aiguille ou une poire à lavement quand le produit est liquide, ou dilué dans l’eau. Roulé en boule dans du papier quand la substance est solide) est une pratique utilisée quand le réseau veineux est abîmé et ne permet plus les injections, mais aussi une pratique en soi. C’est une pratique en augmentation avec l’usage de la 3MMC ou de la 4MMC l’absorption de cette dernière étant plus rapide que par voie orale et ses effets plus intenses. Le caractère irritant et caustique des principales cathinones (3 ou 4) peut fragiliser la paroi du rectum et entraîner des infections et des perforations.
LES RISQUES SEXUELS
Les risques sexuels sont les risques principaux.
Il y a un impact sur la sexualité sans produits qui peut devenir compliquée, voire impossible, avec des pertes de repères dans les fantasmes, le désir et l’excitation, des expositions à des images ou des situations qu’on trouve excitantes sous produits et pas sans.
On rencontre également des troubles mécaniques de la sexualité (érection défaillante, éjaculation précoce… )
LES RISQUES PSYCHO-SOCIAUX
Plus de dix ans de pratiques du chemsex, accompagnées de l’expérience des associations de terrain et des professionnels de la santé sur le sujet, attestent d’une inquiétude grandissante sur les risques psychiques, et socio-professionnels, liés à l’usage des nombreuses drogues utilisées pour le chemsex. Des problèmes d’autant plus complexes à appréhender car la plupart des chemsexeurs se considèrent difficilement comme des usagers de drogues. Des situations qui nécessitent un accompagnement de la réduction des risques, et parfois une prise en charge médicale.
Parmi les principaux troubles rapportés par les usagers, on trouve :
• Une forte anxiété
• Une asthénie (grande fatigue)
• De l’apathie (insensibilité émotionnelle)
• Une perte de la confiance en soi
• Des bouffées et des crises d’angoisse
• Le passage vers une dépression
• L’addiction au chemsex et/ou aux drogues consommées
• Une désocialisation croissante
• Des idées et des tendances suicidaires
• Recommandations préventives :
En parler au plus vite à son médecin généraliste, à un soignant plus globalement, ou à un accompagnateur communautaire, qui pourront, si besoin, vous orienter vers un spécialiste plus à même d’effectuer un diagnostic ou de réaliser un accompagnement
L’addiction, la baisse de la vigilance, le craving et l’augmentation des partenaires sexuels souvent liées à la pratique du chemsex, peuvent entraîner chez certains usagers une augmentation du risque de transmission au VIH pour les personnes séronégatives (oubli de la capote, oubli de prendre la PrEP).
Pour les personnes vivant avec le VIH sous traitement antirétroviral (ARV), ainsi que les séronégatifs sous PrEP (en continu ou à la demande), des interactions (notamment au niveau de la métabolisation par le foie) entre plusieurs ARV et certains nouveaux produits de synthèse (NPS) utilisés dans le chemsex, peuvent modifier leurs effets. Des interactions entre molécules peuvent conduire à un surdosage des drogues utilisées pour le chemsex, avec une augmentation des effets indésirables pouvant conduire à des complications sanitaires, et même des décès.
Il est donc important d’informer le médecin assurant le suivi de la pratique du chemsex pour adapter le traitement si besoin et éviter des ruptures de soin.
• Recommandations préventives :
Il est conseillé de programmer des rappels (sur son Smartphone par exemple) pour respecter le schéma de prise des traitements.
LES INTERACTIONS AVEC AUTRES PRODUITS UTILISÉS POUR LE CHEMSEX ET CERTAINS MÉDICAMENTS
Les interactions entre les produits dépresseurs G, alcool, benzodiazépines, kétamine...), les produits stimulants (3 et G) potentialisent le risque de surdose.
Il convient de ne pas mélanger les cathinones avec les analgésiques opioïdes de synthèse (des antidouleurs comme par exemple le Tramadol), la cocaïne et l’ecstasy (ou MDMA).
Ne pas les associer non plus avec les médicaments de la famille des benzodiazépines (utilisées comme anxiolytiques et/ou somnifères).
ALERTE +++ : Le GHB et le GBL sont incompatibles avec l’alcool, les benzodiazépines et la kétamine.
Les mélanges de ces substances étant responsables de la plupart des accidents liés au chemsex.
LES ADDICTIONS MULTIPLES
Les risques addictifs liés aux substances utilisées (notamment la 3 et le G) pour le chemsex posent des problématiques essentielles de santé publique.
Les cathinones (ou 3 et 4) et la méthamphétamine sont réputées pour le fort craving (un besoin, irrépressible et compulsif, de recherche et de consommation) qu’ils provoquent.
Chez certains usagers le geste de l’injection (ou slam), peut prendre des dimensions érotiques (voire jouissives), et conduire à une addiction au geste même de la piqûre.
• Recommandations préventives :
En parler au plus vite à son médecin généraliste, à un soignant plus globalement ou à un accompagnateur communautaire qui pourra, si besoin, vous orienter vers un spécialiste plus à même d’effectuer un diagnostic ou de réaliser un accompagnement
LA MODIFICATION DU CONSENTEMENT
Les effets désinhibants, l’augmentation du désir et de l’excitation sexuelle, le sentiment accru de confiance en soi, les endormissements ou coma (notamment avec le GHB ou G, ainsi que le GBL ou BD), ou la perte de mémoire qu’ils peuvent engendrer, modifient la notion de consentement chez les usagers. De nombreux usagers rapportent des faits de viols ou d’agressions sexuelles. Quand certains pratiquants du chemsex avouent une certaine culpabilité face à leurs actes.
LE RISQUE DE SURDOSE
Les substances utilisées peuvent exposer l’usager à des risques d’excitations physiques incontrôlées et de surdose. Les overdoses ne sont pas toujours liées à la quantité ingérée, mais peuvent être liées aux interactions entre les différents produits utilisés.
Les signes fréquents d’une surdose sont :
- Troubles respiratoires, arrêt respiratoire
- Troubles du rythme cardiaque, arrêt cardiaque
- Troubles de l’attention, perte de connaissance, coma
Les conséquences possibles d’une surdose :
- Crise cardiaque
- Accident vasculaire cérébral (AVC)
- Crises psychologiques.
- Anxiété, angoisse, psychose, paranoïa, perte du sommeil sur le long terme
• Recommandations préventives :
En cas de malaise, d’endormissement, de G-hole ou de coma, il est indispensable de conduire la personne aux urgences ou d’appeler dans les plus brefs délais le SAMU (composer le 15 sur son téléphone). La personne risquant de sombrer dans un coma menant au décès.
CONCLUSION
Le chemsex induit fréquemment des problèmes de santé, pour beaucoup communautaires, d’autant plus inquiétants que de nombreux usagers peuvent mettre du temps à se rendre compte des complications que le chemsex amène dans leur vie.
Les prévenir c’est en parler avant pour s’informer et réduire les risques.
L’addiction, elle, est par définition un dépassement de la volonté et du contrôle sur un produit (on continue à consommer malgré une volonté d’arrêter ou malgré des conséquences négatives importantes). L’addiction est une maladie qui peut avoir des conséquences et un impact fort sur la vie d’une personne et de son entourage, et parfois pendant plusieurs années. Les complications sexuelles et sur la santé physique, souvent banalisées, peuvent être très graves.
Le chemsex n’est pas une pratique anodine et on estime qu’entre un consommateur sur deux, et un consommateur sur trois, présente des complications. Bien qu’il n’y ait pas de pratique sans risque, ces complications se préviennent et s’informer avec des sources fiables (et non des expériences subjectives) est essentiel et permet de réduire ces risques.
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DE LA NÉCESSITÉ DE SE FAIRE PRESCRIRE LA PREP
Il est INDISPENSABLE de se faire prescrire la PrEP quand on est séronégatif et qu’on pratique le chemsex. La PrEP (ou prophylaxie pré exposition) est un traitement, à base d’antirétroviraux (ARV), pris en continu ou à la demande, qui permet aux séronégatifs de ne pas être infectés par le virus du VIH. Dans le cas du chemsex (dont les effets induisent une baisse de la vigilance), il est fortement conseillé de se faire prescrire et prendre la PrEP pour limiter la transmission éventuelle du VIH.
Cet outil sanitaire, disponible depuis 2016, a prouvé son efficacité dans la prévention de l’infection au VIH. Les Prepeurs, soucieux de leur santé et de celles des autres, sont favorables, et sensibles, aux protocoles de réductions des risques.
Vous pouvez demander à prendre la PrEP chez un médecin généraliste ou dans les centres de santé communautaire (comme le 190 à Paris), dans les CeGIDD (Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par les virus de l’immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles) ou les SMIT (Service des maladies infectieuses et tropicales).
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RÉSUMÉ (conseils préventifs à destination des gays pratiquant le chemsex)
AVANT
• S’informer sur le chemsex, les produits et leurs risques auprès d’une source fiable et/ou une personne compétente.
Identifier, si elles existent, des difficultés affectives et sexuelles pré-existantes, un manque de satisfaction ou de confiance en soi, et en parler avec des personnes compétentes.
Identifier, s’ils existent, un trauma ou des problèmes psys pré-existants qui pourraient être aggravés par la pratique du chemsex et en parler avec des personnes compétentes.
• Pour les séronégatifs : se faire prescrire et prendre la PrEP (traitement préventif qui protège de la contamination au VIH).
• Prendre avec régularité son traitement contre le virus du VIH quand on est séropositif.
• Fixer des alarmes pour ne pas oublier de prendre sa PrEP ou son traitement antirétroviral.
• Se faire vacciner contre l’hépatite A, le Monkeypox et le papillomavirus si vous avez 26 ans ou moins.
PENDANT
• Utiliser des préservatifs et du gel intime.
• En cas de recours au slam, au sniff ou au cloud pour l’administration des substances, ne pas partager le matériel d’administration (seringues, pailles, pipes…). Il est impératif que chaque usager possède son propre matériel.
• Les seringues utilisées pour le slam doivent impérativement être stériles et ne servir qu’une fois.
• Etre vigilant aux interactions et proscrire la prise concomitante d’alcool, de poppers, ainsi que le mélange de plusieurs drogues (ou polyconsommation), les effets de leurs interactions étant parfois imprévisibles.
APRÈS
• Ne pas hésiter à trouver conseil et faire le point avec des personnes compétentes : accompagnateurs communautaires, soignants en centre de santé sexuelle, etc. (cliquer ici)
• Effectuer un test de dépistage des principales IST idéalement tous les trois mois.
• Si vous avez eu des rapports non protégés, et que vous êtes séronégatif sans prendre la PrEP, un TPE (pour traitement d’urgence) à prendre dans les 48 heures après la prise de risque), est nécessaire. Rendez-vous au plus dans les centres de dépistage (CeGIDD) ou les services des maladies infectieuses durant les heures ouvrables, et dans les services d’urgences en dehors des heures ouvrables.
Remerciements au Dr Thibaut Jedrzejewski,
médecin généraliste et expert chemsex au centre de santé sexuelle Le 190 – Paris.