Hugo Amour est poète. Si son écriture émerge en 2020, année de sa transition, il écrit depuis toujours de tout son être et de tout son sang. Révélé par Têtu avec Des pédés et des chiottes, son travail se nourrit d’auteurs homosexuels comme Hervé Guibert, Jean Genet, Jean Sénac et Guillaume Dustan.
À 36 ans, Hugo Amour vient d’achever son premier roman et souhaite le faire éditer. Il performera à la librairie Les Mots à la Bouche, ce 24 octobre dès 19 heures. Il sera entouré du photographe Marc Martin à l’occasion de la sortie de l’ouvrage So what ?! dans lequel il signe un poème transpédé, fort et puissant. Strobo l’a rencontré.
Quel rôle a joué ton écriture dans ta transition ou dans ta vie d’homme aujourd’hui ?
Au début de ma transition, l’écriture a été le moyen de donner forme à un feu d’une puissance sans nom qui était à l’intérieur de moi. Dans mon ventre, dans mes boyaux. Dans mes veines. On dit souvent que le poète est voleur de feu, ce qui s’est passé lorsque ma vie s’est renversée en 2020, j’ai utilisé tout le feu qui était à l’intérieur de moi pour le transformer en or. Comme le fait l’alchimiste.
Ton écriture s’apparente à un cri du cœur et du corps aussi…
Le papier sur lequel j’écris, c’est un mur contre lequel me cogner la tête pour comprendre ce qui doit en sortir. Mais ça ne me fait pas mal, parce que c’est ma main qui s’agrippe au papier pour dénicher ce qu’il s’y cache, ce qui doit être dit, ce qui doit émerger, ce qui doit être entendu, révélé. Ce qui doit sortir du silence, de l’absence. Pour tenter de faire apparaître un millième de vérité. Le rôle de l’écriture dans ma vie, c’est celui d’un espace où il n’y a plus rien à cacher, il n’y a pas de rôle à jouer, plus rien à travestir. Il y a juste moi et les mots, c’est un champ sauvage dans lequel je peux tout simplement crier ou y écouter le silence. L’écriture me sert à écouter mon cœur. Prendre le pouls.
Tu offres aujourd’hui un poème au photographe Marc Martin. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Marc a découvert le texte Des pédés et des chiottes que j’ai performé dans une vidéo pour le compte Instagram de Têtu magazine. C’est un texte dans lequel je raconte un épisode sur le marché parisien dans lequel je travaillais. Chaque jour pour uriner j’utilisais des toilettes publiques qui était sur la place, et à force de les emprunter, j’ai été traversé en visions et sensations par tous les pédés fantômes qui ont occupé ces espaces si particuliers dans notre histoire homosexuelle. Dans ce poème je raconte ces visitations de mes ancêtres pédés face au miroir de ces chiottes et de la jouissance que cela a convoqué en moi. Mais aussi de l’amour infini que je leur porte. C’est un poème en forme de célébration divine des pédés et des urinoirs. Les toilettes publiques sont des espaces que j’adore, où je me sens en sécurité et étrangement à ma place. Il y a peu encore, durant un voyage à Copenhague j’en ai découvert d’incroyables. Marc m’a découvert peu après sa grande exposition sur les urinoirs et les tasses dont il est évidemment passionné comme moi. Il m’a écrit pour me dire combien il avait été touché par mon texte. Il aurait adoré collaborer avec moi dans le cadre de cette exposition si nous nous étions rencontrés avant. Mais voici qu’aujourd’hui c’est chose faite, avec le livre So what !? dans lequel je signe le poème L’injec’ parfaite.
Tu cherches à publier ton premier roman. Raconte-nous cette aventure...
J’ai écrit ce roman comme on écrit un journal de guerre ou de fête ou les deux. Il faisait partie de mon quotidien, précisément à la période où j’ai écrit Des pédés et des chiottes et lorsque je travaillais sur le marché à Paris. J’écrivais tous les jours sur des carnets, j’ai incorporé des carnets Moleskine à ma vie, nous faisions corps, nous faisions qu’un.
Le papier semble indissociable de ton processus…
Jour et nuit j’ai écrit à la main sur ces carnets de papier. J’ai écrit pour réussir à vivre avec une passion amoureuse dévorante, pour la comprendre, pour la questionner, m’en saisir et lui donner forme. C’était aussi un moyen d’écrire une ode à l’amour transpédé. C’est un immense clin d’œil à Fou de Vincent de Guibert. J’ai écrit comme je respirais. Il s’agissait de laisser des traces de chacune de mes mutations au moment où j’entreprenais le voyage le plus à vif de ma transition, les premières années.
Je ne voulais rien perdre de tout ce que je vivais. J’ai écrit parce qu’il fallait laisser une trace, des mots, grâce auxquels, en les lisant, le lecteur se met à la place du narrateur qui se meut, respire, aime et se met à vivre. Je voulais donner à vivre cela au lecteur, l’être-trans, de l’intérieur. Donner à ressentir l’intensité de la transition et du mouvement Trans. De cette façon, chacun de ces mots déposés sur le papier ne peuvent remettre en question notre existence. Elle est gravée, intouchable, immortelle.
Ce roman sera-t-il autobiographique ?
C’est un roman autobiographique, on peut dire cela, dans la grande tradition des écrivains pédés et de l’autofiction, mais je n’ai même pas fait exprès. Je n’ai pas du tout réalisé que j’étais en train d’écrire un livre, lorsque je le faisais, j’étais dans l’action, la création, mais je savais que ma nécessité était absolue et que je n’avais pas d’autres choix. Un roman devait naître. C’était l’écrire ou mourir. Et j’ai toujours été du côté de la vie. J’espère trouver bientôt une maison d’édition pour l’abriter.
Rencontre avec Hugo Amour pour une lecture de poésie le jeudi 24 octobre à partir de 19h à la librairie Les Mots à la Bouche, 37 rue Saint-Ambroise, Paris 11.
Cette rencontre est organisée à l’occasion de la sortie de l’ouvrage So what ?! de Marc Martin avec Jona James, Annabelle Georgen, Mathis Chevalier et Hugo Amour aux Editions Agua.