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Littérature : Brontez Purnell, noir, pédé, séropo et punk !

Jean Jacob

Dans un livre désopilant et sans pitié, l’artiste touche-à-tout Brontez Purnell, raconte la jeunesse d’un jeune gay noir américain perdu entre son amour du punk et sa libido sans limite.

Johnny est-ce que tu m’aimerais si j’avais une plus grosse bite ? Le titre du livre, signé de l’américain Brontez Purnell, est déjà tout un programme. Les pages roses une invitation irrésistible et le contenu une décharge de foutre en pleine poire ! Un petit bijou acide et désopilant, conçu comme une succession de petites histoires, où une bite s’appelle une bite, en forme de déambulation brute autour des aventures de son auteur. Un jeune noir né dans le fin fond de l’Amérique profonde, en Alabama plus précisément, qui a fui sa famille à 19 ans pour aller à Oakland, en face de San Francisco, pour enfin vivre sa vie de punk et queer et être lui-même !

De sa colocation avec une vingtaines de potes aussi déjantés que lui à ses petits boulots alimentaires et déshumanisants, de sa fréquentation à haute dose des saunas à ses expériences hilarantes dans le porno-queer, des kids fatigués de se protéger du VIH alors que la PrEP n’existe pas encore à la prostitution, des concerts punks comme gogo boy à Fag Zine, son fanzine culte en forme de parodie trash et gay des magazines pour jeunes filles en fleur, Brontez raconte tout. Sans filtres. Avec du sperme, de la merde, des drogues à gogo, du glauque et du romantique, comme une plongée brutale, et jouissive, au cœur du sexe gay. Le tout de manière brute et crue, insolente et rebelle, sans jamais céder à la contrition ou à la plainte. En s’aidant d’un humour décapant, d’un sens de la formule camp irrésistible et d’un génie de l’observation, Brontez fait de la résilience un moteur de liberté fidèle à sa devise de ne « jamais avoir peur d’être qui on est ». Enfin traduit en France, alors que le livre est sorti originellement il y a une dizaine d’années, "Johnny est-ce que tu m’aimerais si j’avais une plus grosse bite ?" est une porte d’entrée en or dans l’univers de Brontez. Un activiste culturel, comme il aime à se définir, qui porte une autre voix, plus punk, plus pédé, plus cul, plus underground, qu’il évoque à travers ses performances de danse contemporaine, ses documentaires, comme celui consacré à Ed Mock, un danseur noir décédé du Sida, ses recueils de poème, ses ouvrages de science-fiction ou ses disques en solo ou avec son groupe The Younger Lovers.

Aujourd’hui âgé de 42 ans, bien dans sa chair avec un fort tropisme à se mettre à poil pour un oui ou pour un nom, Brontez Purnell est une pile électrique en mouvement perpétuel, un grand anxieux traversé par milles idées à la seconde, une voix gay précieuse qui interroge le conformisme, l’appétence pour la défonce, les failles narcissiques, les laissés pour compte, de notre communauté, sans jamais chouiner ni s’épancher sur son sort, sans jamais se laisser abattre ni baisser la tête. Un grand modèle de fierté et d’acceptation de soi qui nous incite, non sans humour, à se sortir les doigts du cul pour se faire respecter ! Comme une manière, excessivement lucide de pointer du doigt, et nous rappeler, que sous le grand ripolinage progressiste du drapeau arc-en-ciel nos existences et nos droits même sont toujours en équilibre permanent. Et que nous serons toujours d’éternels outsiders.

Johnny est-ce que tu m’aimerais si j’avais une plus grosse bite ?, de Brontez Purnell (Éditions Rotolux) 160 pages - 20€

Cet article a été publié dans Strobo Mag n° 32

 

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