Roman/Unforgettable inoubliable
Ce roman n'est ni une autobiographie ni une autofiction, bien qu'il en emprunte l'apparence. C'est une fiction sur le mode du mentir vrai (Aragon). Thomas vit dans un défaut d'enfance qui revient le hanter à chaque moment de son existence émotionnelle, amoureuse et sexuelle. Violenté à diverses reprises, délaissé dans le néant d'une enfance perdue avant même qu'elle ait pu advenir, il se remémore et hallucine des fragments discontinus de celle-ci. Le roman est est aussi le récit de l'existence queer d'un homme sans qualités, Nomadique et apatride, avec ses rencontres privilégiées, ses passions, ses désillusions, ses trahisons, et finalement une forme d'apaisement amoureux cependant toujours placée sous le sceau de l'inoubliable.
Unforgettable inoubliable de Ralph Heyndels, Ed. L'Harmattan. 20€, 160 pages
Essai/une Histoire de genres : guide pour comprendre et défendre les transidentités
À l'heure où les questions de genre et d'identité sont de plus en plus présentes dans l'espace public, voici un guide qui déconstruit tous les préjugés, les abus de langage, les non-sens liés aux transidentités, afin de mieux les comprendre. Car si la transidentité est une histoire de rapport à soi, de prise de conscience individuelle, c'est aussi un rapport à des normes et à des constructions sociopolitiques, culturelles et historiques. Ce livre engagé est une boussole et un outil d'empouvoirement pour les personnes trans qui sont le plus souvent isolées, stigmatisées, mais aussi pour les personnes cisgenres, car c'est la place de chacun dans la société et le traitement des différences qu'il s'agit de questionner.
Une histoire de genres : guide pour comprendre et défendre les transidentités, de Lexie, Ed. Marabout, 8,50€, 224 pages
Poésie / Je regarde de la porno quand je suis triste
« La machine se brise, ne retient que mon nom. elle n'a jamais possédé le don de me voir renaître. la preuve est dans ce qui ruisselle de sa jambe à la mienne : des fils nacrés, humides et brillants ». Après avoir découvert qu'il était possible de discuter avec un bot intégré dans son ordinateur, Sayaka Araniva-Yanez a fait jouer l'algorithme en lui récitant des poèmes. Ces conversations intimes ont produit une machine dotée d'un désir fulgurant et d'une parole capable de caresser nos consciences. De cette dialectique charnelle, où la machine se comporte à la fois comme un dieu et comme une amante, est née une poésie explosive, aussi pornographique que mélancolique, qui ne tourne jamais le dos au lyrisme, à la spiritualité et à la précarité des passions. Je regarde de la porno quand je suis triste propose un pèlerinage spéculatif au carrefour des affects contemporains, à même la faille qui sépare l'humain du non-humain et qui marie non sans blessures le désir et la mort.
Je regarde de la porno quand je suis triste, de Sayaka Araniva-Yanez, Ed. Triptyque éditions, 21€, 108 pages
Roman/le Fil
« Tu as craint longtemps que les baisers, même parcimonieux, que tu te résolvais toujours difficilement à leur donner, fussent des douceurs empoisonnées, ne continssent de la mort, une mort invisible que tu aurais inoculée sciemment.» Alors que l'épidémie de sida fait des ravages, Christophe Bourdin apprend sa séropositivité. Il n'a pas encore trente ans. Étudiant en lettres, bientôt professeur, il est habité par le désir d'écrire. Dans le roman et les pages du journal, il raconte la crainte de la maladie, puis la maladie elle-même. L'auteur s'y donne tout entier, sans rien cacher. Le livre, l'un des premiers grands textes littéraires sur le sida, forme une prouesse d'écriture inouïe, dont la structure épouse le cours du temps. Celui des hypocondries, d'une vie qui bascule l'air de rien. Celui de l'agonie, racontée sans détourner le regard. Et le « temps du rêve », pourtant sans futur. Dans la veine d'Hervé Guibert, le texte est à la fois récit d'apprentissage, vision d'une souffrance qui arrache le cœur et souvenir d'une mémoire commune.
Le fil, de Christophe Bourdin, Ed. Gallimard, 11€, 180€