Vous pensiez que les gays n’aimaient pas le rock qui suinte et sent le cambouis, vous vous mettiez le doigt dans l’œil. La preuve par A + B avec Pansy Division, ses guitares percutantes, et sa fameuse bite de la mort.
Début des années 90 à San Francisco. Quatre jeunes pédés fascinés par le punk-rock décident depuis leur garage où ils répètent de mettre un pied dans la fourmilière de ce genre à guitare qui sent la testostérone et le machisme à plein nez. Histoire de prouver que les gays n’écoutent pas que du disco au mieux, de la variété mièvre au pire ! Pansy Division, contraction ironique autour du terme allemand Panzerdivision et de pansy, mot d’argot anglais pour définir les garçons efféminés, ainsi que la pochette de leur premier album en forme de garçon dénudé endormi dans un parterre de fleurs violettes, pose d’emblée les cartes maîtresses du groupe, l’humour et le militantisme, comme il va imposer rapidement Pansy Division comme le groupe phare du queercore.
Lancé en 1985 à Toronto par Bruce LaBruce, qui ne s’est pas encore jeté à corps perdu dans le cinéma, formé avec deux lesbiennes radicales dont Bruce partage le squat, le fanzine J.D’s, va se faire en quelques années et une poignée de numéros irrespectueux et homoérotiques l’initiateur de ce mouvement qui mélange punk attitude, skinhead et amour de la bite. Hommage aux jeans délavés à la javel, aux Doc Martens et aux polos ajustés, J.D’s (à qui le documentaire Queercore a été dédié) va être un pied dans la marre au conformisme gay des nineties naissant et à son tropisme bourgeois, lui offrant un souffle rebelle et irrespectueux salutaire. Mais va surtout donner des ailes à une poignée de groupes et d’artistes queer comme Bikini Kills, Wayne County, The Leather Nun, Pansy Division, le Tigre ou plus tard Gossip. Dès leur premier album, Undressed, sorti en 1993, le groupe (qui va changer par la suite plusieurs fois de membres) pose les bases de son succès : des refrains puissants et hurlés, des guitares électriques déchaînées, des rythmiques au bord de la crise de nerf et des titres, on ne peut plus explicite comme The Cocksucker Club (le club des suceurs de bite), Fem in a black leather jacket, Versatile, dont les paroles tournent autour de la sexualité, de la sociologie et du militantisme queer. Véritable révolution et provocation au sein de la vénérable institution rock, et ses hommes couillus, Pansy explose et s’impose comme le fer de lance du queercore, assurant les premières parties de Green Day et profitant du succès populaire du grunge dont ils vont reprendre à leur sauce, en modifiant légèrement les paroles, (Smells like Queer Spirit) le standard de Nirvana !
Il faudra pourtant attendre 1996, et Wish’d I taken pictures, leur meilleur album à ce jour, pour découvrir le joyau Dick of death, certainement leur titre le plus puissant, le plus gay power et le plus drôle. Un hymne fortement calibré qui narre les aventures, sous fond de guitares hurlantes, le choc ressenti par un jeune gars qui découvre des étoiles plein le nez le sexe énorme du mec qu’il vient de rencontrer, avant d’en tomber totalement accro. Un titre qu’on rêve d’entendre repris en chœur lors des Pride ou de la Folsom par une chorale BDSM avec ses paroles qui résument parfaitement 90% de la vie d’un gay lambda : « I’d never seen one / Quite this big before / When he’s soft he’s nearly / Hung down to the floor / I don’t know if I love him / But I love is dick of death » (« je n’en avais jamais vu une aussi grosse avant, quand elle est au repos elle touche presque le sol, je ne sais pas si je suis amoureux de lui, mais je sais que j’aime sa bite de la mort ! »).