A l’occasion de la sortie de Place aux Femmes, le nouvel album de la chanteuse intrigante et inimitable Yvette Leglaire, Strobo revient avec elle sur sa carrière.
Cet album fait une grande place aux femmes. Pourquoi avoir convoqué tous ces profils féminins et les avoir mis en lumière aujourd'hui ?
Je voulais m’offrir ce cadeau de partager une chanson avec toutes ces chanteuses et ces comédiennes que j’ai rencontrées pendant ces 20 ans. Elles ont toutes accepté, presque toutes, car nous avions partagé des moments ensemble. L’enregistrement a été une belle aventure, un cadeau du ciel. Ce sont elles qui m’ont fait le plus merveilleux des cadeaux. Elles ont toutes été formidables, disponibles et attentionnées. Pour la première fois, j’ai compris que je faisais partie de leur famille. J’étais devenue une chanteuse, comme elles. Pour le choix de la chanson, je voulais leur rendre hommage ainsi qu’à toutes les femmes et j’ai eu l’idée de remplacer les places (comme les rues) qui portent des noms communs par des noms des femmes qui se sont battues pour leurs droits, pour être libres ou qui nous ont émerveillés et nous ont aidé à vivre, à avancer, à nous assumer, à grandir. D’où le titre : Places aux femmes. Il faut donner de la place aux femmes en donnant des places aux femmes. L’album s’appelle : Place aux femmes (sans s) car toutes mes chansons sont des chansons d’émotions de femme puisque Yvette est une femme.
Qu'est-ce qu'elles ont apporté à Yvette et à toi personnellement Daniel derrière le personnage ?
Sans trop vouloir me dévoiler, ce sont les femmes de ma vie. Je n’ai pas eu de références féminines ni d’amour féminin, maternel et autre, autour de moi dans ma jeunesse. Alors je les ai aimées, elles m’ont fait grandir et m’accepter. Je comprenais trop bien ce qu’elles disaient, ce qu’elles chantaient, ce qu’elles vivaient et je me suis nourri d’elles. Yvette m’a permis de me réconcilier avec les femmes. Je leur rends hommage car je leur dois tout à mes sœurs chanteuses, mais le masque me permet aussi de dévoiler des choses, des cris du cœur, des émotions, des envies et des anecdotes.
Pourquoi avoir voulu clarifier le fait que tu n'es pas une drag queen ?
Parce que je ne me considère pas comme une drag queen. Je suis juste une femme qui chante. Je n’ai pas les codes des drags, dans les tenues, le maquillage, l’excentricité et beaucoup plus. Mais je les adore, ce sont d’abord et surtout des Artistes, tout comme les transformistes, les travestis. Ce sont des personnes et des métiers fascinants. C’est une chanson d’humour. Parfois les mots de notre si riche langue française ne sont pas assez définissables. Je suis passé dans les titres des journaux d’artiste lunaire à chanteuse humoriste… Je n’aime pas trop les étiquettes ni les cases, je suis juste une femme qui chante et c’est juste du spectacle. Mon personnage est comme Colombo pour Peter Falk. C’est l’ami Vartoch’ qui, un jour m’a dit, tu es une drag queen ? Je lui ai dit non et on a écrit le texte. Marie Paule Belle a eu le talent et la gentillesse d’en composer la musique. C’était avant que Drag Race arrive en France, ce n’était pas prémédité et j’espère faire un clip avec mes copines drag queens bientôt.
On y parle aussi beaucoup de sexe ?
Quand je parle un peu, voire beaucoup de sexe, quand j’écris des chansons osées, oui, je me dévoile, je me libère, je me confesse et je me délecte de mes bêtises et de mes pseudo-fantasmes. Mais ça parle à tout le monde. Car ce sont aussi des situations et des mots de femme. La sexualité et les désirs des uns et des autres ne sont pas si différents. Les femmes de 60 ans et plus, par exemple... C’est vraiment mon public et celles qui me comprennent le mieux. On a peut-être les mêmes attentes, les mêmes envies, les mêmes désirs. Sur ces points-là, on se ressemble tellement, Yvette et Daniel. Yvette est une femme, elle aime les hommes... Parfois, des personnes me disent : Yvette a-t-elle eu des aventures avec des femmes… Qui sait ? En revanche Yvette est très âgée (75 ans de carrière depuis 20 ans) et je la rends plus jeune et encore pleine d’envies de conquêtes et d’amour physique (ou pas). Et il ne faut pas se fier toujours aux titres de mes chansons : Viens me troncher dans les tranchées est une histoire d’amour pendant la première guerre mondiale, Je fais ma pute est une chanson sur la gentillesse : Je fais ma pute et pas ma langue de pute, SexYvette est une chanson sur l’âge et la séduction. Pour les autres, no comment…
Qu’est-ce que ça fait d'avoir 20 ans de carrière ?
Je suis très émue car comment aurais-je pu imaginer être encore sur scène après toutes ces années. Je n’ai aucun plan de carrière et tout s’est fait dans une évolution naturelle à force de chanter un peu partout et surtout par des rencontres et beaucoup de chance. Tout s’est enchaîné sans vraiment de douleurs et je n’ai eu que de belles surprises même si j’ai eu beaucoup de doutes. J’ai surtout beaucoup travaillé et tellement appris. Je n’avais pas beaucoup d’atouts, je n’étais pas la plus belle, je chantais mal, j’avais un maquillage particulier et un nom improbable et difficile à porter, le mien certes, mais mon amour des chanteuses, ma volonté, mon besoin et mon plaisir de faire de la scène, mon envie viscérale d’être aimée étaient plus fort que tout. Je suis fier de mon parcours et d’un autre côté, on ne m'a rien proposé d’autre donc je me suis débrouillée toute seule et j’ai continué … J’ai suivi mon destin, je n’ai rien demandé et j’ai surtout gardé ma liberté, ce qui m’a parfois coûté cher. J’ai fait certes des compromis mais jamais de compromission. Savoir qu’un public ne m’a jamais oublié en 20 ans, j’en suis tellement reconnaissant. Je voulais être considéré comme une chanteuse, être accepté par les chanteuses et in fine, collaborer avec des chanteuses. Tout cela a pris du temps, beaucoup de temps (20 ans) mais j’ai fini par réussir, par aller au bout de mes rêves.
Yvette Leglaire, Place aux femmes, l'album
En magasin et en streaming.