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Olivier Klein, un nouveau patron à la Dilcrah

Xavier Héraud

Olivier Klein succède à Sophie Elizéon à la tête de la Délégation interministérielle de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la hainte anti-LGBT (Dilcrah), qui finance chaque années les associations LGBT à hauteur d’1,5 millions, auxquels viennent désormais s’ajouter 3 millions par an pour les Centres LGBT+. Strobo l’a rencontré.

STROBO: Vous avez été et êtes à nouveau maire de Clichy-sous-Bois, vous avez été ministre de la Ville et du Logement. Etiez-vous sensibilisé aux questions LGBT avant d'être nommé à ce poste ?

Olivier Klein: Alors, comme citoyen, bien évidemment. C'est vrai que dans mes fonctions précédentes, je vous cache pas que ce n'est pas le sujet sur lequel j'ai le plus travaillé. Mais évidemment, c'est une question qui nous concerne tous. Ma construction associative, politique, s'est faite autour des luttes contre les discriminations, toutes les discriminations. Mais c'est vrai que c'est probablement à l'intérieur de cette très belle délégation le sujet sur lequel j'ai le plus à apprendre. Mais d'une certaine manière, en vieux professeur que je suis, j'aime enseigner et j'aime apprendre. Depuis un mois et demi maintenant, j'essaie de rencontrer un maximum d'associations qui œuvrent contre la haine LGBT, l'homophobie. Et puis, on a une très belle équipe ici qui m'entoure et avec laquelle je vais continuer à apprendre si j'en ai besoin.

Dans le nouveau plan de lutte contre les LGBT-phobies 2023-2026, 10 millions sont attribués aux Centres LGBT. La Première Ministre a formé le voeu que cela puisse aider l'ouverture d'à peu près d'une dizaine de centres. Comment comptez-vous vous y prendre ? 

Il y a des projets qui sont un peu dans les tuyaux, si j'ose dire, qui ont commencé à avoir le jour, mais qui ont besoin de ce coup de pouce. C'était le cas du projet du centre mobile de Bagnères de Bigorre, que j’ai inauguré. C'est vrai que là, l'appui de différents partenaires qui ont permis d'acheter ce minibus a vraiment été déterminant.  Ensuite, se pose évidemment la question des locaux. Est-ce qu'il y a déjà un embryon ? Où ? Dans quel cadre ? Est-ce que c'est des locaux municipaux, des locaux associatifs ? Tout ça se travaille. C'est très surprenant, mais il n'y avait pas de centre LGBT à Marseille,  a deuxième ville de France. Et donc, grâce à cette aide, ce centre va ouvrir ses portes. 

En plus des 10 millions sur 3 ans pour les centres LGBT qui sont confirmés,  on a toujours l'enveloppe annuelle de 1,5 million pour les autres associations ? 

Oui, ce n'est pas en soustraction, c'est en addition.

L’une de vos premières interventions médiatiques a eu lieu à propos du match de foot OM-PSG où des chants homophobes ont été entendus. A cette occasion, vous avez saisi le procureur sur la base de l'article 40. Est-ce suffisant ?  

Vous avez vu que la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castera, et la ministre de l'Égalité, Bérangère Couillard, ont écrit aux présidents de club, à la Ligue, qu'il y a évidemment besoin dans chaque club de supporters, d’un référent, racisme, antisémitisme, discrimination, haine LGBT. Il faut ne pas renoncer et faire comprendre aux supporters que ces chants sont tout sauf anecdotiques ou folkloriques, comme on a pu me le dire. On m’a aussi dit que j'étais juste un emmerdeur et que je ne savais pas rire de tout. Non, ce n'est pas anecdotique ou folklorique, ce sont des chants qui sont clairement homophobes. On ne peut pas accepter la présence sur un terrain de foot parce que c'est blessant pour ceux qui les entendent, c'est stigmatisant, ça empêche un certain nombre de jeunes sportifs et sportives d'aller dans un club parce qu'ils pensent qu'ils seront  mal reçus  par leurs coéquipiers, par les parents, par les supporters, que sais-je. Et donc c'est pour ça qu'il faut se battre à la fois dans les grands clubs, le milieu professionnel, mais pas seulement. On sait aussi que ces sujets-là se posent à l'échelle locale dans des petits clubs locaux et ça c'est un travail que l'on mène avec les fédérations. Il y en a qui sont  plus en pointe que d'autres. Et la question du supporterisme est une vraie question. C'est Daniel Riolo qui disait au moment de ces chants qu'il fallait faire un espèce de “reset”  avec les supporters et je pense qu'il a raison. Même si j'ai l'impression que ce qui s'est passé ce week-end à Marseille [avec d’autres chants racistes et homophobes] est extrêmement grave et un retour en arrière parce qu'on a même entendu des choses homophobes et aussi racistes dans les tribunes. Donc oui, il faut éduquer mais aussi par moments sanctionner parce qu'on ne peut pas l'accepter. Le sport n’est pas fait pour ça. C'est même l'opposé de ça normalement. 

Dans l'une de vos missions, il y a aussi sur le plan la lutte contre les agressions LGBTphobes.  En ce moment, il ne se passe pas une semaine  sans que l'on ait  un rapport de guet-apens. 

Nous y sommes très attentifs. Je crois même qu'on a communiqué sur les guet-apens.  On a saisi la Justice parce qu'il y a un site qui revient particulièrement, Coco.gg. Donc évidemment, nous avons des échanges avec le ministère de l'Intérieur parce que là, en l'occurrence, il s'agit d'abord d'un travail d'enquête et de police. Mais nous sommes attentifs. Nous sommes attentifs à la haine en ligne. Nous faisons des signalements à Pharos. Après, ce sont des sujets qui dépassent largement nos missions. Mais là où on peut aider à pointer du doigt des sites dangereux, on y participe et on le fait.

Dans une enquête de Mediapart parue il y a quelques mois, des associations  témoignaient du fait qu'on les avait plus ou moins découragé de  critiquer le gouvernement et que dans le cas contraire, ça pouvait avoir une incidence sur leurs subventions. Est-ce que c'est un critère, chez vous, d'attribution des subventions ?  

Non. Le seul  critère, c'est la qualité  du travail, le projet.  Je le redis, on ne subventionne pas une  association. Donc, heureusement, les associations ont leur liberté de penser. Les militants  associatifs ont leur liberté de voter.  Non, vraiment, je pense  qu'il faut de l'équité, de la transparence pour pouvoir définir les montants. Après, nous avons une enveloppe d'en gros 8 millions d'euros. Elle est fermée. Donc, oui,  il y a forcément à un moment des choix. Mais ces choix sont faits en fonction des moyens de la Dilcrah, de la pertinence  du projet, pas d'une quelconque allégeance. 

Cet article a été publié dans Strobo #25

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