Toute fin des années 70’s, Diana Ross, trente-cinq ans, les deux pieds dans la musique depuis ses 15 ans, notamment à travers le groupe les Supremes, vient de connaître un immense succès solo avec l’album The Boss . Une petite merveille de soul, de funk et de disco où Diana s’impose haut la main comme la plus grande diva de son époque, notamment avec la tornade féministe The Boss qui secoue les dancefloors gay comme jamais. Bien décidée à quitter le label Motown où elle a fait ses classes et tout appris, épuisée par le comportement de dictateur de Berry Gordy (le boss et fondateur de Motown), convaincue qu’elle doit donner un nouvel élan à sa carrière, Diana en quête d’un son nouveau, se penche vers Nile Rodgers et Bernard Edwards. Les deux membres du groupe Chic, dont elle entend régulièrement les productions au Studio 54, le club le plus élitiste de New York, où les VIP se mélangent aux inconnus, où drogues et sexe s’invitent sur la piste de danse. Le symbole parfait des excès du disco.
Formé il y a une poignée d’années, par deux jeunes prodiges afro-américains, Chic est la révélation du moment avec ses lignes de basse inimitables, son sens des mélodies funky en diable et son groove irrésistible qui font chavirer les dancefloors avec des tubes devenus intemporels comme Dance, Dance Dance , Le Freak ou Everybody dance. Après une longue discussion avec Diana, où elle confie au duo vouloir mettre sa carrière sens dessus-dessous (« Upside down ») et s’amuser (« Having fun »), Niles et Bernard se lancent dans l’écriture de ce disque censé présenter une nouvelle Diana au monde entier. C’est lors d’une virée dans le club gay GG’s Barnum Room, où Niles Rodgers va tomber sur un spectacle de drags rendant hommage à Diana Ross, qu’un des morceaux phares de l’album I’m coming out s’impose. « Tout d’un coup, j’ai eu un flash », se souvient Niles. « J’ai dû sortir et appeler Bernard depuis une cabine téléphonique. Je lui ai dit : « Bernard, note ces mots, s’il te plaît : I’m coming-out.»» Le lendemain, les deux compères sont en studio pour enregistrer le morceau, mais petit hic, Diana est alertée par le DJ Frankie Crocker que chanter I’m coming out, dont elle ignorait visiblement la signification, va laisser penser que la star avoue qu’elle est lesbienne et ruiner sa carrière. Ce qui va mettre Diana dans une colère noire. Il faudra toute la patience, et le sens de la pédagogie, de Nile Rodgers pour clarifier les choses. « Qu’est-ce que tu racontes ? C’est la chose la plus folle que j’aie jamais entendue de ma vie ! Nous l’avons écrite à cause de tes fans homosexuels. Mais aussi pour toi Diana. Cette chanson sera celle de ton coming-out. Nous te considérons comme notre reine noire. J’ai même écrit une partie jouée par une fanfare comme celles qui annoncent les présidents ! »
Pourtant malgré l’enthousiasme des débuts, Diana n’est pas véritablement satisfaite des huit titres que lui a écrits le duo Chic. Échaudée par les mouvements homophobes et racistes anti-disco, qui ont culminé la nuit du 12 juillet 1979, où des milliers de disques ont été brûlés aux cris de « disco sucks » dans un stade de Chicago, mise en garde par un célèbre DJ qui lui dit qu’elle met en péril sa carrière, Diana Ross panique et fait retravailler le disque par Russ Terrana, l’ingénieur du son de Motown. Le résultat, sorti en mai 1980, moins brut et funky, au rythme accéléré et délesté de parties instrumentales, avec la voix de Diana remise au centre du jeu, est une réussite sans précédent. Et devient l’album le plus vendu de la carrière de la diva avec trois singles qui vont successivement s’imposer comme d’énormes tubes : Upside down, I’m coming out et My old Piano. Finalement rassurée, notamment par les chiffres de vente , la réception, et le classement de I’m coming out tout en haut des hit-parades, Diana va suivre le conseil de Nile Rodgers et faire de ce titre un de ses obligés, ouvrant tous ses concerts avec. Notamment en 1994 lors de la cérémonie d’ouverture de Jeux Olympiques devant Bill Clinton et d’autres grands de ce monde. Pour le reste, année après année, ce morceau qui refuse de vieillir, et réussit à mixer hédonisme et militantisme, va s’imposer comme un des hymnes LGBTQ+ les plus connus au monde. Si ce n’est le plus célèbre !