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Clément Beaune favorable à la GPA, un coup d’épée dans l’eau ?

Xavier Héraud

Clément Beaune, ministre délégué chargée des transports, s’est déclaré favorable à une légalisation de la gestation pour autrui (GPA) en France dans les colonnes de L’Obs, fin août. Une position à rebours de l’ensemble de la classe politique française en général et du gouvernement auquel il appartient en particulier. Cela vaut donc le coup qu’on s’y arrête un instant. 

La GPA est aujourd’hui interdite par la loi française. Dans son interview, Clément Beaune déclare en préambule que « c’est un sujet sur lequel [il a] personnellement évolué ». Il cite deux raisons : « d'abord, l'amour. Il y a d’un côté tellement d’enfants en souffrance et de familles dysfonctionnelles, et de l’autre, tellement de couples qui portent dans leur cœur un projet d’enfants. Ensuite, la justice. Aujourd’hui, les Français peuvent en fait déjà avoir recours à la GPA. Mais pas tous les Français ! Seulement ceux qui ont les moyens de se rendre à l’étranger : au Canada, aux Etats-Unis… La sélection se fait par l’argent et les contacts. Avoir notre propre cadre et nos propres règles serait plus juste et plus protecteur. »

Pas dans cette législature

« Cela ne se fera pas dans cette législature », reconnaît le ministre, mais « il y a d’un côté tellement d’enfants en souffrance et de familles dysfonctionnelles, et de l’autre, tellement de couples qui portent dans leur cœur un projet d’enfants… »

Il estime néanmoins que le sujet ne sera pas ouvert dans cette législature. Non seulement cela ne figurait pas dans le programme d’Emmanuel Macron lors de la dernière présidentielle, mais celui-ci a réitéré sa position à plusieurs reprise depuis. C’est un non ferme. Et le sujet est qualifié de « ligne rouge ». C’est le cas depuis plusieurs années. Aucune personnalité d’envergure dans le monde politique n’a pris position en faveur de la gestation pour autrui. Pire les partis de droite et d’extrême droite (qui se confondent ces derniers temps) poussent régulièrement pour surinterdire une pratique déjà interdite, à l’image de ce que veut faire Giorgia Meloni, la présidente du Conseil Italien (voir Strobo n°23) ou rendre la vie encore plus compliquée aux parents français qui y ont recours à l’étranger. 

Ambitions pour la mairie de Paris

Pourquoi le ministre délégué aux transports a-t-il pris cette position ? Premièrement, on lui prête des ambitions pour la mairie de Paris. Membre d’un gouvernement très à droite, il n’est peut-être pas inintéressant de « gauchir » son image pour une ville qui vient d’élire quatre fois de suite un.e maire socialiste. Pour l'anecdote, il a été élu député de Paris face à l’avocate Caroline Mecary, spécialiste de la GPA et autrice d’un Que sais-je ? sur le sujet (PMA et GPA, que sais-je ?, 2019). Deuxièmement, Clément Beaune est ouvertement gay. Il a fait son coming-out médiatique dans les colonnes de Têtu.  La GPA n’est pas une pratique réservée aux gays, mais elle y est courante et sa légalisation est revendiquée par plusieurs associations LGBT, sans toutefois faire complètement l’unanimité dans le tissu associatif communautaire. 

Cette prise de position peut-elle faire bouger les choses ? Rien n’est moins sûr. Le fait que personne n’ait réagi aux propos du ministre, ni pour la condamner, ni pour la soutenir,  en dit assez long sur le crédit qu’on accorde à son avis sur le sujet. Néanmoins, il n’est pas interdit d’y voir un premier pas vers le déverrouillage d’un sujet profondément tabou dans la société française.

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