1977, le disco bat son plein et secoue l’Amérique de plein fouet qui vit disco, pense disco, danse disco, rêve disco et chante disco. Dans cette course au tube providentiel, Jacques Morali et David Belolo, deux jeunes producteurs français qui ont tout compris du potentiel révolutionnaire de ce nouveau genre musical, enregistrent à New York (berceau du genre) le nouvel album du trio féminin qu’ils ont entièrement fabriqué : The Ritchie Family.
Mais Jacques Morali a aussi une autre idée en tête, une idée qui lui est venue lors d’une de ses descentes dans les bas-fonds de New York, et des bars comme l’Anvil ou le Mineshaft. Ce dernier étant le sex-club le plus célèbre, le plus fréquenté, et le plus hard de l’époque, dont la fameuse baignoire qui trône au centre du lieu est l’attraction principale, et qui va inspirer le célèbre film Cruising. Un classique avec Al Pacino (au summum de sa sexyness) dans le rôle principal d’un flic hétéro qui infiltre le milieu BDSM de l’époque à la poursuite d’un serial-killer qui s’attaque aux gays sur les lieux de drague. Constatant le goût des homos pour les uniformes (policier, marin, ouvrier…), ainsi que leur détournement vers de toutes autres activités plus manuelles et sexuelles, Jacques Morali va monter de toute pièce un des premiers des boys band de l’histoire de la pop. Un groupe qui jouerait abondamment sur les clichés associés à la masculinité gay et son culte de l’hyper-virilité à la fois pour les magnifier et gentiment s’en moquer. Ce sera les six Village People - soit le flic, le motard, le cow-boy, l’indien, le militaire, le cuir - tous unis pour chanter à tue-tête des hymnes disco à double-entendre. Même si, bien pensance de l’époque oblige, le groupe ne se proclame pas ouvertement comme gay (d’ailleurs certains de ses membres, qui vont changer constamment au fil des ans, se proclameront hétéros), l’homosexalité, la sueur et le sperme, transpirent du groupe à grosses gouttes. De leur pochettes à leur paroles qui louent les rencontres furtives dans les résidences étudiantes sur le titre YMCA, de l’amour des marins sur In The Navy au culte de la masculinité saillante et suante sur Macho man. Parmi tous ces tubes, publiés coup sur coup, et devenus d’énormes succès bien au delà de la seule communauté gay, c’est peut-être le titre Go West, sorti en juin 79, qui va s’imposer comme leur tube le plus militant et profond, loin des 
allusions sexuelles auxquelles ils nous ont habitués. Go west narre ainsi le grand exode des gays américains pour San Francisco entamé dans les années 50, cet eden de liberté où les gays peuvent être enfin eux-mêmes, dans la plus pure tradition de la philosophie flower power du mouvement hippie fortement ancré dans la ville. L’écrivain Armistead Maupin, à qui l’on doit les fantastiques Chroniques de San Francisco, décrit d’ailleurs la ville dans les années 70 comme « un lieu de compassion et de tolérance où les hétéros acceptaient plus facilement l’homosexualité que les pédés n’assumaient la leur. » Moins populaires que leurs autres succès, c’est les Pet Shop Boys, presque 15 ans plus tard, qui vont relancer le titre en le reprenant à leur sauce, camp et flamboyante, d’abord lors d’une soirée organisée par l’artiste Derek Jarman, au profit de la lutte contre le sida, en 1992, où Neil Tennant, le chanteur va oublier et mélanger les paroles. Puis en le sortant l’année suivante en single, doublé d’une mélodie qui rappelle l’hymne soviétique, agrémenté d’une chorale masculine et d’une vidéo où les symboles américains et russes se mélangent avec ironie et provocation. Le tout sans oublier de rajouter aux paroles originelles un refrain qui appuie sur la dimension militante, et surtout utopique, du ce tube toujours aussi vivace : « There where the air is free / we’ll be what we want to be / Now if we make a stand / we’ll find our promised land (Là où l’air est libre, nous serons ce que nous voulons être, si nous résistons, nous trouverons notre terre promise) ».
