Articles / brèves

Urgences

Julien Claudé-Pénégry

Elle sait de quoi parle la photographe américaine Nan Golding quand elle s’attaque au grand mécène de l’art, la famille Sacker au nom de l’artwashing. Celle qui a bouleversé la photographie en figeant sur pellicule le quotidien de ses proches dans les années 80 où le Sida frappe de plein fouet se révèle aussi activiste de poigne. Dans Toute la beauté et le sang versé , le film documentaire de Laura Pointras primé d’un Lyon d’Or au festival du Film de Venise 2022, on file dans l’intimité de l’artiste en prise avec une époque qui s’aventure dans les opiacés qui font fureur dans le milieu festif gay de Brooklyn. Mais voilà la fameuse crise des Opioïdes pointe le bout de son nez et s’enchaîne un épisode tragique de surdoses aux USA dû à l’administration combinée du médicament l’OxyContin et d’héroïne qui ravage des vies par centaines. Anne Goldin apprend que le laboratoire Purdue Pharma appartenant au Sackeler bloque un médicament préventif. Là naît un combat de chaque instant qu’elle porte avec le collectif P.A.I.N. (Prescription Addiction Intervention Now) qu’elle a monté. L’objectif est de s’attaquer à l’image dorée de cette institution en apparence bienveillante qu’est Sackler pour montrer la réalité. Que l’art ne peut voiler les méfaits et les mains sales sur lesquelles ces investisseurs engrangent de millions de bénéfices sur la vie des gens. Sa lutte s’internationalise, ses actions se multiplient. Elle cravache, sans relâche, elle déconstruit l’image glorieuse des Sackler mettant sous les projecteurs la fragilité dans laquelle se trouve les LGBT et la perfidie des grands groupes sous couverts de vertus factices. Cette intimité qui nous est livrée est poignante, forte. La puissance d’une femme en prise avec le système, cloitré dans un don de soi, un regard réconfortant et impliqué qui touche au sublime. 

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