Lionnel Costagliola et Pokémon, c’est une grande histoire. Tout a commencé avec la version Bleu sur GameBoy quand il avait environ 5 ans car son frère voulait la version Rouge et qu’avoir les deux permettait de faire des échanges. A 26 ans, il n’a toujours pas décroché, bien au contraire. Celui qui se définit comme un excellent dresseur de Pokémon est incollable sur chacun d’entre eux. Pour Strobo Mag, il répond à nos interrogations sur l’un des phénomènes coqueluches des gamers LGBTQ+.
Que représente Pokémon pour toi ?
Pokémon est un univers complet. Pas juste des petites créatures, il y a tout un « lore » (l'histoire d’un univers de fiction ne constituant pas l’intrigue principale d’une œuvre, ndr) qui va avec sa propre mythologie, sa nature et ses paysages, ses régions et ses bandes sons ! Il est très facile de se laisser bercer dans le jeu en flânant juste dans les hautes herbes, il y a un côté relaxant.
Pour moi, cela représente tout une partie de ma vie, des heures de jeux, des souvenirs autant en jeu que ceux passés avec ma famille ou mes amis, et puis ça attise ma curiosité de Prof Pokémon d’aller explorer les différentes régions à la recherche de nouvelles créatures de poche.
Est-ce que Pokémon a d’emblée été un jeu qui affichait la carte de l’inclusion et la diversité ?
Le 1er champion d’arène des premiers jeux vidéo reste Pierre que l’on retrouve dans la série. Pierre est représenté par un homme à la peau foncée (en comparaison à Ondine qui est aussi pâle qu’un comprimé pour les maux de tête) et avec des yeux en forme de barres horizontales. Le but était de présenter une personne avec des yeux très typés Asie dans un manga qui serait diffusé partout dans le monde. Ça a causé quelques petits soucis à la compagnie qui a changé Pierre pour Jacky ayant une représentation plus occidentale… mais le temps a fait son effet et on a revu Pierre un bon nombre de fois ensuite pour notre plus grand plaisir !
Je ne sais pas si les développeurs ont vraiment voulu jouer ou s’axer sur la communauté LGBT dès le départ, mais l’épisode 18 de la saison 1 n’a pas été diffusé partout dans le monde justement à cause de ça… On y voit Jessie et James en maillot de bain et les deux portent des bikinis, James ayant une poitrine alors qu’il est présenté comme étant de sexe masculin depuis le début. L’optique d’avoir des personnages LGBT n’a jamais été caché je pense, on retrouve plein de fois Jessie habillée en homme et James en femme.
Dans les jeux, c’est un peu plus compliqué parce que les personnages sont plus asexués, il ne faut pas oublier que cela reste un jeu pour les enfants à la base. L’optique n’est pas les romances mais prioritairement les Pokémons.
Mais en cherchant bien et en lisant bien tous les dialogues, il y a des petits clins d’œil de temps en temps, de plus au fil des générations, les Pokémons ont eu des sexes (Mâle/Femelle) certains n’ont pas de sexe (en général parce que ce sont des machines ou des légendaires) mais il y a le cas de Metamorph qui est capable de s’accoupler aussi bien avec des mâles qu’avec des femelles, ce n’est peut-être pas révolutionnaire mais ça montre que tout est possible.
De plus, quand on voit le nombre d’adversaires pnj (personne non joueur, ndr) dans les jeux ou les protagonistes rencontrés dans les films, séries ou livres, il faut bien trouver des noms pour tout ce beau monde, c’est pourquoi nous avons un champion d’arène qui s’appelle Rachid, un Maitre qui s’appelle Tarak.
Pourquoi Pokémon séduit-il autant la communauté LGBTQ ?
Avez-vous déjà vu un Ponyta de Galar ? C’est une Licorne ultra choupi ! Au-delà de la blague sur les licornes, seule représentation de la communauté, Pokémon c’est plus de 900 créatures qui se ressemblent sur certains points pour beaucoup, tout en étant différents. Chaque joueur peut trouver les créatures qu’il aime, on ne vous force à rien, vous être libre de jouer ce que vous voulez.
Il y a également les Concours Pokémon, des compétitions où le combat n’est pas l’objectif principal, au contraire ici, on jugera des critères bien différents tels que le sang-froid ou la beauté. On peut y habiller nos Pokémons et les parer des magnifiques accessoires, ce qui change la norme des jeux simples comme les jeux de combats entre monstres.
Avec l’arrivée des contests, on a vu dans la série arriver des protagonistes très efféminés tels que Harley et son Cacturne ou des fans de coordinateur comme Rubis dans les livres La Grande Aventure, ce qui montrait aux jeunes garçons qu’ils peuvent eux aussi faire des concours, ce n’est pas réservé aux filles Pokémon. C’est un univers où tout le monde est accepté et fait ce qu’il aime.
Comment s’est construite l’identité de plus en plus LGBT de Pokémon ?
C’est beaucoup plus visible dans la série que dans les jeux, je trouve. Dès le départ, on avait Jessie et James qui avaient un sexe de base femme et homme mais portaient des tenues ne correspondant pourtant pas à ce que la société aurait choisi pour eux. C’était déjà la première pierre que Pokémon jetait à la face du monde en montrant des personnages récurrents faire ce qu’ils veulent de leur style vestimentaire.
Par la suite, il y a eu les concours rendant la licence un peu plus douce et délicate en apportant de nouveaux protagonistes clairement issus de la communauté.
On peut trouver dans certains dialogues des clins d’œil comme avec une dresseuse qui nous explique être une ancienne ceinture noire alors que cette catégorie n’est composée que d’hommes… une erreur d’attention ou un vrai clin d’œil à la communauté trans, j’aime l'idée de cette seconde option.
Il n’y a pas à ma connaissance de personnes vraiment et ouvertement LGBT affirmée dans la licence Pokémon et je pense que c’est voulu car le but ce n’est pas la sexualité ou les romances, c’est l’univers Pokémon. Du coup, des personnages avec des traits de la communauté sont présents de façon tout à fait normale dans l’univers sans qu’on les mette en marge ou qu’on parle de communauté. C’est un peu un monde parfait où tout le monde aime tellement tout le monde, c’est juste le fait d’être humain qui importe.
Aujourd’hui, l’univers LBTQQIAAP+ se matérialise dans le jeu sous quelles formes ?
En tant que Dresseur Pokémon dans les jeux, les interactions avec les pnj sont juste des successions de dialogues de leur part, donc difficile pour nous d’être une personne de la communauté hormis en s’axant sur les éléments modifiables de notre personnage : coupes, couleurs de cheveux et garde-robe vaste et variées.
Ensuite chacun est libre de s’affirmer comme il le souhaite donc par exemple une personne trans qui souhaite reprendre les couleurs de son drapeau dans son équipe pourrait décider de faire l’aventure avec des Pokémons bleu, rose et/ou blanc, ou encore prendre un Monsieur, Mime femelle ou un Mackogneur qui a été clairement pensé pour être un humanoïde masculin avec 4 gros bras musclés mais trouvable en femelle.
L’exemple le plus simple reste la famille de Tarsal avec au stade final un Gardevoir qui peut être femelle ou mâle.
L’arrivée du type « fée » dans le jeu a également pas mal aidé. Même si ça peut paraitre cliché, ces Pokémon sont très bien reçus par la communauté notamment grâce au Ponyta de Galar…
Les différentes versions de Pokémon sont-elles aussi le théâtre de lutte entre pro-LGBT et Anti ?
Alors je n’y avais pas pensé avant de lire ta question mais c’est vrai que la tension entre Max leader de la team Magma et Arthur leader de la team Aqua m’a toujours parue très ambigüe mais c’est sûrement car j’ai toujours eu un petit crush sur Arthur…De manière générale, les différences entre les versions sont vraiment basées sur les légendaires des jeux et quelques créatures exclusives à une version, afin d’inciter les joueurs à faire des échanges et se socialiser avec d’autres pour compléter le pokedex.
Au niveau de l’intrigue, c’est sensiblement la même hormis il n’y a d’ailleurs qu’avec Rubis et Saphir que l’on a 2 teams qui s’affrontent et donc 2 objectifs des méchants différents dans les versions ; pour le reste il n’y a qu’une seule team.
Mais dans les jeux Ultra Soleil et Ultra Lune nous avons pu voir arriver la Team RainbowRocket avec des tenues clairement friendly. Pour les jeux qui vont bientôt sortir sans spoiler dans les personnages qui ont été dévoilés, certains correspondent à des critères friendly et il y a eu pas mal de buzz autour de cela sur les réseaux sociaux.
Comment imagines-tu l’avenir de Pokémon ?
Ce n’est que mon avis mais Pokémon Compagnie, que ce soit au travers des jeux vidéo, des mangas ou des séries/films, met en scène des personnes de la communauté LGBTQQIAAP+, des personnes de couleurs, des jeunes, des personnes âgées sans jamais que ce soit mis en avant par rapport à l’intrigue ou à 
l’intérêt de la personne dans l’histoire. C’est une bonne façon de faire avancer la cause, on place une personne telle qu’elle est et c’est tout. Personne ne dit rien car c’est normal chacun est comme il est et dans le monde de Pokémon, tout le monde est tolérant avec les autres.
Cela reste une licence pour enfants à la base, même si nous sommes beaucoup de grands enfants à être fans de la licence, donc pas mal de choses sont asexuées et les romances sont souvent très secondaires par rapport à l’histoire.
La licence continue de sortir des jeux. On a pu voir dans les nouvelles bandes-annonces que des coupes de cheveux frisés seront disponibles marquant un nouveau pas en direction de l’inclusion. Je suis sûr que Pokémon va continuer comme ça et maintenir son univers ouvert à tous sans mettre en avant une communauté, juste en plaçant ça en tant que normalité comme cela devrait toujours l’être.