40 ans après le premier cas de VIH en Australie, les résultats positifs de la politique ultra réactive enclenchée par le gouvernement australien dès les premières heures est aujourd’hui payante. En effet, les diagnostics de VIH en Australie ont atteint un niveau historiquement bas, et le pays est en passe d’éliminer les transmissions. « C’est un héritage de la réponse précoce et efficace de l’Australie», rapporte Gary Nunn depuis Sydney pour la BBC.
Pour en arriver là, il faut saluer l’audace des politiciens et hauts dirigeants australiens qui, loin de tergiverser, ont pris des décisions lourdes mais nécessaires pour les populations touchées par la contamination par le VIH sur le territoire. C’est avec ces publics que les démarches ont été coconstruites. Les hommes homosexuels, les travailleurs du sexe et les personnes qui s’injectent des drogues - ceux qui sont lourdement touchés par le virus - se sont vus offrir des sièges à la table des discussions pour orchestrer au mieux une réponse des plus efficaces. Loin d’être vus comme des pestiférés, des parias, bien que pour beaucoup d’états australiens l’homosexualité était encore à l’époque considérée comme illégale, la classe politique et les intéressés ont travaillé main dans la main comme le racontent deux livres récemment publiés revenant sur l’histoire du VIH sur cette île-continent. Fighting for Our Lives, de Nick Cook, retrace la collaboration mentionnée ci-dessus, tandis que In The Eye Of The Storm, de trois universitaires australiens, raconte l’histoire méconnue des personnes qui se sont portées volontaires en grand nombre pour soulager la souffrance des malades. «C’était aussi une stratégie intelligente : on ne pouvait pas voir le gouvernement dépenser de l’argent pour expliquer aux homosexuels comment avoir des relations sexuelles et aux toxicomanes comment s’injecter en toute sécurité, pendant une épidémie. Mais ils pouvaient canaliser l’argent vers des groupes communautaires de confiance qui, eux le pouvaient.», explique Cook.
«L’Australie était l’une des rares nations à avoir évité une épidémie parmi les consommateurs de drogues injectables, avec des taux cinq à dix fois inférieurs à ceux de certains pays européens et de certaines régions des États-Unis. Les infections parmi les travailleuses du sexe australiennes étaient négligeables. Cinquante pour cent des personnes séropositives dans le monde sont des femmes ; en Australie, ce pourcentage est d’environ 10 %. Et la participation de la population la plus touchée - en particulier les hommes homosexuels - à toutes les étapes, de la conception et de la mise en œuvre à l’évaluation, à la recherche et au financement, a fait de la réponse australienne l’une des plus efficaces.» précise Eamonn Murphy, directeur exécutif adjoint pour les programmes de l’ONUSIDA. Il y avait aussi une communauté coordonnée et enhardie, prête à se mobiliser : en 1978, la première marche de protestation du Mardi Gras de Sydney a réuni plusieurs groupes communautaires LGBTQ+. Ils fournissaient des soins à domicile aux malades et aux mourants, assuraient le fonctionnement des centres d’échange de seringues et des lignes d’assistance téléphonique, produisaient des ressources éducatives, siégeaient aux conseils d’administration et apportaient amitié et soutien pratique. Ils ont aidé les personnes atteintes du VIH/sida à s’orienter dans un système médical hostile qui, au cours des décennies précédentes, avait traité les homosexuels comme des malades mentaux devant être guéris. Pionnier dans sa stratégie de défense face à la menace du VIH, l’Australie est un pays modèle aujourd’hui qui a plus à nous apprendre qu’aucun autre pays dans le monde.