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Chaque club cherche son DJ

Geypner

Les soirées qui affichent de grands noms du DJing se font de plus en plus rares. Cachets des DJs stars exorbitants, disponibilités réduites, surbooking à gogo, rançon de la gloire à n’en pas douter.  Les parents pauvres dans cette histoire : les clubs qui ont de plus en plus de mal à faire leur marché… encore que !


Qu’il est loin le temps des DJs de renoms qui venaient ambiancer les foules sur les dancefloors des clubs juste pour le plaisir. Ils étaient résidents, avaient leurs soirées attitrées, on y venait pour vivre et partager les goods vibes qu’ils distillaient et qui mettaient les foules en transe. Aujourd’hui, le monde du DJing n’a plus ce côté amateur d’antan, la présence de names se négocient à prix d’or, une nouvelle génération de DJs émerge et les organisateurs de soirées rebattent les cartes du système.

Ce n’est pourtant pas aussi vieux que cela, et pourtant on a l’impression que cela fait une éternité. La French Touch, cette génération de DJs qui a fait ses armes dans les clubs parisiens a donné une saveur particulière à la musique électro distillant une base house, disco qui a fait son succès. David Guetta, Dan Genacia, Sven Love et Greg Gauthier, Laurent Garnier, Dimitri from Paris, Air, Kavinsky, DJ Mehdi, Sebastian, Mr Oizo ou encore Daft Punk ont révolutionné le mouvement et surtout, ils se trouvaient derrière les platines des clubs à l’époque. Aller en soirée, c’était l’assurance de vivre un moment d’anthologie, se laisser porter par les remix qui cartonnaient avec ce supplément d’âme so frenchy que cette horde de jeunes talents s’amusaient à triturer pour déchainer les foules dès les premiers accords. Carl Cox venait se produire à l’occasion et le public se faisait pressant. Le plaisir était autant dans la salle que coté organisateurs qui s’y retrouvaient financièrement. Mais beaucoup de ces personnages sont devenus presque intouchables.

Le temps a fait son œuvre, les DJs sont devenus des marqueurs de leur époque que tout le monde s’arrache pour assurer une soirée mémorable à une clientèle en demande de sensations. Et c’est là que le modèle d’origine vrille et que la donne a changé. Les DJs étant de plus en plus sollicités aux quatre coins du monde, leurs mixes se monnayent, leurs noms sont des garanties de remplissage de salles. Le business a changé, les nuits aussi… parce que le la présence de ces mastodontes du son, ces magiciens des mixes, se font de plus en plus épisodiques sur la place parisienne. Trop onéreux, pas libres, certains un peu trop « divas » entend-t-on régulièrement. Ce sont des milliers d’euros aux bas mots si ce n’est des dizaines voire des centaines qui sont dealés pour avoir une tête d’affiche, une référence. Mais Paris n’est pas Ibiza, la Mecque des clubs. Paris et sa multitude de boites doit tenir le coup toute l’année et pas seulement le temps d’une saison. Alors oui certains évènements se permettent de taper haut, comme la venue à la dernière marche des Fiertés à Paris du DJ israélien Offer Nissim qui a ambiancé des milliers de personnes le temps d’une nuit mémorable. Mais plus qu’un rendez-vous unique en son genre, c’est un lieu – le Grand Palais – qui a été dédié à sa présence et non un établissement parisien qui l’a accueilli. Deux poids, deux mesures en fin de compte.

S’adapter sans cesse

C’est là que le bas-blesse pour les staffs qui doivent se creuser la tête pour inventer de nouveaux concepts de soirées, faire entrer un nombre suffisant de personnes dans leurs soirées pour que le rendez-vous soit économiquement rentable, trouver donc la bonne équation pour attirer toujours du monde et n’essuyant pas les plâtres avec un DJ qui plombrait la recette. Si logiquement l’investissement en vaut la chandelle et que le club est normalement garanti de retomber sur ses pieds pécuniairement parlant, dans le monde de la nuit, trouver le bon positionnement devient de plus en plus complexe, tout comme assurer un plateau de DJs qui claque à un prix décent. Voilà pourquoi nombre de soirées revoit leurs méthodes de travail. Les grosses structures comme Matinée Paris qui, à coups de Leche, Pervert et autres Winter Festival, invitent des milliers de beaux gosses dans la Salle Wagram dans le 17è arrondissement de Paris, met en avant les DJs maison comme Nacho Chapado ou Olivier Croft. Faisant partie du crew, ils garantissent un esprit propre à la soirée, aux influences baléariques qui flottent sur les soirées Matinée. La Menergie, création de Yannick Barbe, laisse la place à des DJs qui font frémir les salles gay de la planète ; lorsque le Dépôt ouvre ses portes à des institutions internationales qui trouvent dans cet espace l’occasion de faire sensation à Paris, le temps d’une nuit comme Gorillas, Hustlaball Berlin, Hard On London ou Recon. Ces soirées internationales invitées amènent avec elles leur univers et leurs DJs pour une escapade parisienne, se mélangeant avec les DJs du cru.

Et si le club était un esprit

En parallèle, de nouveaux concepts éclosent ici et là, avec un vent de fraicheur qui n’est pour déplaire à une clientèle en recherche d’alternatif. Même si un nom sur une affiche, un flyer, ont un impact indéniable pour faire du buzz autour de ces nouvelles soirées, les producteurs de ces soirées font avec des jeunes talents de la scène électro qu’ils proposent de découvrir, le moyen de contourner l’impératif du Name dropping. Car ces petites structures n’ont pas les épaules des gros tourneurs et pour autant, remplies d’énergie, elles font à chacune de leurs soirées carton plein en minimisant les frais. A quoi bon s’évertuer à casquer un fric qu’elles n’ont pas pour faire comme tous les autres, lorsque l’on peut faire autrement. Le florilège de DJs qui se prêtent au jeu de ces rendez-vous renvoie l’appareil avec une fidélité de présence à chaque édition. Et plus que de cracher des sommes indues, la contrepartie est d’offrir une carte blanche sur le mix, d’envelopper les clubbers d’une impression d’exclusivité, de moment suspendu. Participant au même entrain qu’à l’époque du Queen, du Cabaret, du Palace où l’expérience primait, où l’atmosphère enivrait, où le rendez-vous attestait de la qualité du club…

Les DJ sont là, bien là. Notoriété, affect, concept des soirées, calage d’agendas sont un ensemble de points à prendre en considération pour qu’un club offre le meilleur. Les plus « famous » inspirent les clubbers et garantissent la rentabilité de la soirée, permettant aux organisateurs de greffer des Djs de plus petites envergures, de nouvelles plantes moins couteuses, mais tout aussi talentueuses qui seront demain les nouveaux porte-drapeaux du son des clubs.

 

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